La première interview de la COVID-19

La Rédaction : voici la première interview de la COVID-19 au monde, réalisée dans de bonnes conditions de sécurité, le gouvernement peut être rassuré. Texte de Jean-Paul Betbeze (août 2020)

La Rédaction : Bonjour et merci de nous parler car nous en savons encore peu sur vous, notamment ce que vous recherchez. D’abord, comment vous appeler et d’où venez-vous ?

La COVID-19 : COVID-19 est mon nom scientifique, celui que m’a donné l’Organisation Mondiale de la Santé. En développé, c’est corona virus disease avec 19 pour l’année sinon de ma naissance effective, du moins de ma naissance médiatique. De fait, les experts de l’OMS sont de piètres latinistes : Corona virus est du latin (virus en forme de couronne) mais desease anglais : ils n’ont pas dit morbus ! Je suis donc née avec un nom romano-américain, deux terres que j’ai beaucoup fréquentées !

La R : Je vous arrête : où vous avez beaucoup tué, votre légèreté est insupportable ! Ce n’est pas drôle.

La C : Pardonnez-moi : je vous comprends, mais je suis un virus, pas un être conscient, moral. Je fais ce que je suis et d’ailleurs, puisque vous savez mon nom, appelez-moi la COVID-19.

La R : Vous êtes de sexe féminin ?

La C : Je n’ai pas de sexe, mais j’ai le genre de mon nom : Corona ! Je suis donc la COVID-19, comme vous dites : la S.N.C.F. pour Société et je ne fais aucune comparaison !

La R : Heureusement ! Donc, va pour la ? D’où venez-vous ?

La C : C’est toute une histoire ! En fait, on dit que je viens d’une chauve-souris chinoise, transportée sur un pangolin, dans un marché aux animaux vivants de Wuhan, un marché très fréquenté du centre de la Chine. Là, je suis passée de l’animal à l’homme.

La R : Et toute ces histoires comme quoi vous seriez une bioarme, mise au point dans un laboratoire de Wuhan, classé P4, « haute sécurité » mais pas tant que ça, ou bien vous auriez été apportée en Chine par des soldats américains, ou bien propagée partout, en Europe d’abord, par des Chinois qui n’étaient pas au courant ?

La C : Je suis un virus amoral, donc sans idée aucune : inutile de me prêter des visées complotistes !

La R : Bon, mais vous savez que vous avez atteint officiellement 1 humain sur 5 000, bientôt 22 millions et tué 770 000 ?

La C : Je vais où on me porte, par train, avion ou en parlant et je me propage aussi longtemps qu’on ne me tue pas.

La R : Quoi : ces morts, ces malades et ces millions de chômeurs ne sont pas de votre faute !

La C : De mon fait oui, pas de ma faute, puisque je suis ainsi jusqu’à ce qu’on me tue.

La R : Donc, votre propagation est de notre responsabilité !

La C : Oui. Certains disent qu’un jour ils trouverons un ou des vaccins. Et si assez d’humains sont vaccinés ou acceptent de l’être, je disparaîtrai, en attendant un successeur. Mais si vous portez un masque, vous vous tenez à un mètre des autres ou vous vous lavez les mains, je m’arrête et m’éteins en quelques heures.

La R : Donc, c’est notre faute ?

La C : Si je voyage, je me propage et j’attaque : oui. Je ne réfléchis pas, n’ai pas d’état d’âme et suis ma « raison d’être ».

La R : « Raison d’être », comme les entreprises qui veulent se donner un objectif humain, comme Michelin ou Danone ! Comment osez-vous ?

La C : J’ai entendu l’expression et me suis dit « c’est aussi pour moi », avant de ne plus « être » ?

La R : Votre humour noir est pire que votre amoralité.

La C : Ce que vous dites est trop compliqué pour moi : je ne suis qu’un virus. Mais dites-moi, vous qui savez et qui êtes « moral » : qu’est-ce qui empêche de porter un masque aux États-Unis, où je suis la plus présente ? Ou bien au Brésil, mon deuxième pays d’expansion ?

La R : La politique ! C’est un virus humain qui se propage partout, parfois bénéfique parfois terrible. Il est partout, mute et résiste à tout. Il n’y a pas que la nature qui peut pourrir la vie, il y a aussi la nature humaine.

La C : Et pourquoi avez-vous fait ouvrir les entreprises, puis les commerces, puis les plages et les bars alors que j’avançais toujours ? Vous pensiez que je me serais arrêtée sur la « première vague » ?

La R : Le profit ! C’est notre maladie économique ou notre source d’énergie, ou les deux. Fermer les entreprises et les commerces, c’est la mort économique.

La C : C’est vous qui le dites ! Fermer me ferait mourir et vous aussi : alors vous ouvrez et vous me reprochez d’infecter et de tuer. Mais je vais là où c’est ouvert !

La R : Vous n’allez quand même pas répéter que nous sommes responsables des drames que vous nous faites vivre ?

La C : Mais non : je ne suis qu’un pauvre petit virus, loin de Wuhan !

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