Une enquête réalisée fin 2018 par l’Institut d’études marketing et de sondages d’opinion CSA révèle que les Français ont une très bonne image des artisans, commerçants et restaurateurs. Ainsi 90% d’entre eux tiennent à leur petit commerce qu’ils associent à des valeurs phares : des commerces à taille humaine, conviviaux, dépositaires d’un véritable savoir et offrant des produits et des services de qualité.
Les petits commerces soutiennent le tissu économique local, favorisent le lien social et sont l’âme des quartiers. Ils paient proportionnellement plus d’impôts que les grands groupes de distribution qui recourent pour la plupart à l’optimisation fiscale. En outre, ils créent en moyenne trois fois plus d’emplois que la grande distribution. Pour Vincent Chabault, sociologue et auteur de l’ouvrage intitulé « Eloge du magasin – Contre l’amazonisation », la plus grande force du magasin physique aujourd’hui est « sa dimension humaine ». Pour cet auteur, les commerces indépendants « sont des lieux d’approvisionnement familiers, des repères géographiques mais aussi des lieux relationnels. […]. Pour Vincent Chabault, « le commerce, par sa dimension relationnelle, est un facteur de la vitalité démocratique. L’atout du commerce indépendant est qu’il est singulier : il diffère d’une ville à l’autre. Cela prouve qu’il marque la ville, qu’il la fabrique sans la dupliquer ».
Mais qu’entend-on par « petit commerce » ? Il n’existe pas de définition officielle du concept « petit commerce ». Dans le langage courant, un petit commerce est une boutique physique ayant une surface de taille réduite ou moyenne, tenu par un commerçant indépendant et implanté au cœur d’une zone d’habitation.
L’attachement des Français à leurs petits commerces de centre-ville n’a pas empêché le déclin de ces derniers. Ainsi, après avoir rappelé les différentes raisons de ce déclin, nous examinerons l’avenir du petit commerce à l’horizon 2022.
Etat des lieux du petit commerce avant la crise du coronavirus
La crise du coronavirus n’est qu’un accélérateur des difficultés que rencontrent les petits commerces depuis des années. En effet, c’est bien avant la pandémie que l’on a pu observer un nombre important de commerces fermés ne trouvant pas de repreneurs.
Vacance commerciale dans les centres-villes
Pour évoquer le déclin des petits-commerces, nous allons nous référer au taux de vacance commerciale des centres-villes.
La Fédération du commerce spécialisé Procos conçoit la vacance commerciale comme l’état d’un local commercial inexploité pour une durée indéterminée.
D’après le palmarès 2019 des centres-villes commerçants que dresse Procos, le taux moyen de vacance en centre-ville est passé de 7,2% en 2012 à 9,5% en 2015 et 12% en 2018. Seul un tiers des centres-villes reste sous la barre des 10% contre la moitié en 2015.
Les facteurs qui expliquent le déclin des petits commerces dans les centres-villes
De nombreuses études ont mis en évidence le déclin du petit commerce en raison de l’augmentation des grandes surfaces et des grands groupes. Dans le domaine de la restauration par exemple, des enseignes comme McDonald’s, Burger King, KFC, Pizza Hut, …. ont nui à la restauration traditionnelle.
Plusieurs lois se sont succédé pour protéger le petit commerce telles que par exemple la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat, dite Loi Royer et la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales, dite loi Galland. Mais, elles ont vite trouvé leurs limites et n’ont pas empêché le déclin des commerces de centre-ville.
La mondialisation et l’ultralibéralisme ont tué le petit-commerce. En d’autres termes, la dérégulation libérale combinée aux plateformes de vente en ligne a sacrifié le petit commerce au profit notamment des multinationales.
La financiarisation de l’économie a entraîné une prolifération des centres commerciaux à la périphérie.
Enfin, la montée en puissance du commerce électronique a porté préjudice au commerce traditionnel. 50% des commerçants ne sont pas sur internet.
L’avenir économique du petit commerce de ville à l’horizon 2022
Avec le confinement, le petit commerce jugé « non essentiel » (librairie, salons de coiffure, bars et restaurants, habillement, …) a été durement touché. Certes, le gouvernement a mis en place des mesures d’accompagnement pour aider les commerçants indépendants à affronter le confinement mais le souhait de ces derniers est de pouvoir travailler pour sauver leur commerce et ne pas déposer le bilan.
Le petit commerce est en danger
Les fermetures prolongées des petits commerces qui ne sont pas de première nécessité vont entraîner d’importantes pertes d’exploitation ainsi qu’une dépréciation de la valeur vénale des fonds de commerce. Certains parlent du petit commerce comme « une espèce en voie de disparition », d’autres redoutent sa mort annoncée. Pour l’entrepreneur Denis Jacquet, « la France aime « les gros », les obèses, les entreprises et territoires en « surpoids ». Il déclare : « La mort des PME, commerçants, indépendants ? On s’en « fiche » ! De même, pour les responsables de l’association de commerçants Cœur de Castres, « les pouvoirs publics organisent la disparition du petit commerce ». Selon eux, « il ne restera que des ruines dans les centres villes » et « notre modèle d’organisation urbaine risque de laisser la place au désert des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle des algorithmes de Mrs Bezos et Zuckerberg ».
Comment promouvoir la revitalisation et la modernisation des petits commerces pour assurer leur survie ?
- Faciliter le recours au microcrédit professionnel dont le parcours n’est pas toujours simple mais qui constitue parfois l’ultime solution pour certains petits commerçants.
- Accélérer la numérisation des petits commerces en lançant par exemple des appels à projets. Certains parient sur l’émergence d’un magasin phygital qui combine numérique et présence physique.
- Alléger les charges fiscales et sociales qui pèsent sur le petit commerce pour faire face à la concurrence déloyale livrée par les GAFA, Amazon notamment.
- Encourager les consommateurs à acheter chez les petits commerçants dans le cadre d’une économie solidaire : « La revitalisation repose sur l’engagement des consommateurs » (Vincent Chabault).