Auteur : Constantin Pescaru, traduit du roumain par Maria Dipşe. www.ziare.com
Comment ont procédé d’autres pays de l’UE pour protéger les producteurs locaux ?
La loi obligeant les supermarchés à détenir sur les étagères au moins 51% de produits provenus de la chaîne courte a déclenché de vives controverses dans le pays. Il y a deux camps : l’un qui soutient le projet en disant qu’il aidera les producteurs roumains dans la lutte contre les importations à meilleur marché et de qualité inférieure et un autre qui annonce une majoration du prix pour la nourriture en raison d’une atteinte à la loi du marché qui dit que c’est la concurrence qui dicte à un commerçant quoi vendre, et non l’Etat.
L’acte normatif, promulgué cette semaine par le Président Klaus Iohannis, s’applique à la viande, aux œufs, aux fruits, aux légumes, au miel d’abeilles, aux produits laitiers et de panification.
Comme les acteurs ne pouvaient pas utiliser le syntagme « production nationale » car cela aurait violé les normes européennes, a été préféré l’expression « la chaîne courte d’approvisionnement ».
Il en résulte plusieurs aspects à clarifier :
- Dans la chaîne courte d’approvisionnement entrent aussi les pays voisins de la Roumanie. Par exemple, un commerçant de Giurgiu pourrait préférer s’approvisionner en Bulgarie, celui de Oradea en Hongrie, celui de Iaşi, en R. Moldova, etc.
- Peut-on appliquer sans problème « la chaîne courte » aux légumes et aux fruits pour la simple raison que le producteur transporte ses produits directement aux magasins ? Qu’est-ce qui se passe avec les autres produits ?
- Il faut donner une définition claire aux « produits frais ». Par exemple, le lait pasteurisé fait-il partie de cette catégorie ?
- La loi ne précise pas ce qui se passe au cas où les producteurs de la chaîne courte ne peuvent pas satisfaire la demande. Il y aura des étagères vides ? Les supermarchés pourront-ils faire appel à d’autres sources ?
- Les grands commerçants sont obligés de réanalyser les politiques commerciales, de renégocier leurs contrats au milieu du déroulement, de renoncer à des facilités et aux services offerts pour promouvoir les produits locaux, y compris les produits roumains et, en même temps, s’orienter pour trouver des modalités afin de soutenir un flux financier immense. Tout cela pourrait mener à une augmentation du prix des produits.
- Dans les décrets d’application de la loi, le gouvernement devra fournir les clarifications requises.
Comment d’autres Etats de l’UE ont aidé les producteurs locaux ?
- Par exemple, en 2010, le président de la France, Nicolas Sarkozy a transmis que les grands commerçants devaient réduire les taxes sur l’étagère. L’idée a été ajustée et on a établi un prix de référence pour les fruits et les légumes à partir de la moyenne des cinq dernières années.
- Et, si l’on observe une diminution de 10% sous ce seuil, les distributeurs doivent réduire les taxes de présentation.
- Si, il y a 6 ans, les agriculteurs français étaient affectés par la sécheresse, dernièrement, ceux-ci (et ceux du reste de l’UE) ont été affectés par l’embargo imposé par la Russie aux importations de l’Occident.
- La publication Agriland a procédé à un examen des mesures entamées l’année passée dans certains Etats européens pour aider les fermiers dans ces nouvelles conditions. Il s’agissait surtout d’injection de capitaux et de subventions (à base de programmes) (grants). Par exemple, le gouvernement français avait dédié 600 millions d’euros pour le secteur agricole. A son tour, l’Exécutif d’Espagne avait alloué des aides directes à ceux qui vendaient du lait à perte. Il s’agissait de 300 euros par bovine et la mesure a aidé environ 2 500-3 000 fermiers. De même, la Belgique avait alloué 76 millions d’euros pour les éleveurs de porcs et de vaches, pour les protéger de la volatilité des prix.
Force d’intervention au niveau de l’Union Européenne
Les producteurs de lait et les éleveurs de porcs vendent à perte car les prix ont baissé après l’embargo de la Russie vis-à-vis des marchés écoulant des produits de l’UE. Beaucoup de fermes du vieux continent sont au bord de la faillite, c’est pourquoi des milliers de fermiers sont sortis dans la rue. Dès le début de l’année, il y a eu des protestations en France, en Grande Bretagne, en Belgique. En Roumanie aussi, les fermiers ont crié leur mécontentement dans la rue.
Dans ces conditions, l’UE veut mettre en place des mesures pour aider les fermiers. Le Commissaire pour l’agriculture, Phil Hogan, a présenté le 18 juillet, à la réunion des ministres du domaine de l’UE, un plan d’action. Il a transmis qu’il y a une crise aigüe dans les secteurs : lait, viande de porc, fruits et légumes.
Par la suite, au niveau européen, on a discuté comment réglementer la relation entre le producteur, ceux qui traitent la matière première (roumain : « procesator ») et le supermarché et, dans quelques mois une « force d’intervention » spécialisée présentera les conclusions.
Nous rappelons que le ministre de l’agriculture, Achim Irimescu a expliqué qu’il y a un défi important pour le secteur agricole à cause des « standards élevés imposés par l’UE pour commercialiser les produits » mais aussi à cause de la « volatilité des prix et des changements climatiques toujours plus évidents ».
Le Conseil de la Concurrence tire quelques signaux d’alarme
Bogdan Chiriţoiu, président du Conseil de la Concurrence a attiré l’attention depuis l’année passée (octobre 2015) sur l’idée que le projet doit respecter les normes européennes. ”En principe, toute loi est une restriction de la concurrence. Il faut voir si cette restriction est légitime, si elle a du sens, quel en est l’objectif et si la mesure est proportionnée. A travers les media, on l’a perçue comme étant une mesure dont l’intention était de favoriser les produits roumains. Mais, telle qu’elle est rédigée dans le projet de loi, c’est une mesure pour favoriser les produits frais. C’est une mesure qui doit contribuer à la santé de la population pour que nous, les acheteurs, puissions acheter des produits frais de la chaîne courte de production”.
Les Supermarchés obligés de vendre des produits roumains en grande proportion. La réaction du Conseil de la concurrence
Selon le Conseil de la concurrence, si la mesure est présentée comme étant protectionniste, destinée à protéger les producteurs locaux, elle pourrait subir des objections.
« Nous pourrions dire qu’elle vient en contradiction avec l’idée de base de l’UE, qui est la libre circulation des biens et des services. Mais, puisqu’elle est présentée comme une mesure pour préserver la santé publique, et donc légitime, la responsabilité en incombe à l’Etat.
Pour la santé publique il y a des exceptions aux règles de la concurrence, mais il faut discuter si celles-ci ont du sens ou non, comment elles seront mises en oeuvre, qui vérifie tout cela, que signifie « la chaîne courte », etc. De notre côté, nous allons veiller à ce que la concurrence s’applique à tous les agents économiques« .
Maria Dipse
Juillet 2016