Quick Commerce : clap de fin ?

Au printemps 2023, il ne restait que deux entreprises – Getir et Flink – sur le marché du quick commerce.

Le 19 juillet 2023, Getir, y compris sa filiale Gorillas, a été mis en liquidation judiciaire mais Frichti, autre filiale du groupe, a obtenu un sursis jusqu’en octobre 2023.

Flink a décidé de se retirer du marché français avant d’être mis en règlement judiciaire le 5 juin 2023.

Plus aucun réel acteur pour desservir les consommateurs urbains pressés, alors qu’ils étaient encore une douzaine de jeunes pousses pleines d’ambition il y a un peu plus d’un an !

Pour recevoir des courses de dépannage à une heure tardive, il ne reste plus qu’Uber Eats et Deliveroo ou à se résigner et attendre le lendemain une livraison de Monoprix ou d’un autre distributeur.

La livraison à domicile n’a pas disparu, loin de là, elle s’est disciplinée.

Fini les folles promesses de livraison en 10 ou 15 minutes !

Les raisons qui expliquent la disparition du quick commerce en France sont nombreuses et souvent complémentaires. Celles-ci ont été largement évoquées dans nos précédents articles[1].

Il est maintenant temps de dresser le bilan :

  1. Le quick commerce, défini comme une livraison ultra rapide (10 à 20 minutes) à domicile, de courses alimentaires du quotidien, est et restera un marché de niche en France comme à l’étranger et non pas un marché de grande consommation comme l’ont follement espéré les jeunes pousses et les investisseurs.
  2. La législation française sur l’urbanisme commercial a largement contribué à étouffer le quick commerce en reconnaissant que les dark stores sont des entrepôts et non des commerces. Ceci a eu pour conséquence de donner le pouvoir aux maires qui n’en voulaient pas et de détruire le fragile modèle économique du quick commerce. Pour pouvoir livrer rapidement il faut une multitude de petites unités, pour la préparation et la livraison, enchâssées dans le milieu urbain. 
  3. Le consommateur, à cause de l’inflation, est plus préoccupée, par son budget que par des comportements superflus hérités du COVID. Économiser plutôt que dépenser devient le credo de l’année 2023.
  4. Les investisseurs sont maintenant lassés d’engager des sommes très importantes à fonds perdus, c’est-à-dire sans espoir d’une rentabilité même lointaine.
  5. Les investissements publi-promotionnels nécessaires pour se faire connaître et pour mettre en avant la compétitivité prix ont été démesurés par rapport à la taille du marché.
  6. La législation sociale française, plus protectrice que dans beaucoup d’autres pays. Beaucoup de livreurs sont salariés et non auto-entrepreneurs et ne sont pas payés à la course. Ces régimes sont favorables au personnel des quick commerçants mais nuisent à la rentabilité car les livreurs sont rémunérés même quand ils ne livrent pas !
  7. Les promesses de prix de supermarchés, voire d’hypermarchés largement utilisées dans le discours publicitaire sont intenables à terme avec le modèle économique du quick commerce. Les marges pratiquées ne couvrant pas les frais d’exploitation.
  8. L’assortiment proposé par les quick commerçants était trop étroit pour satisfaire les clients mais élargir l’assortiment ne peut se faire qu’au détriment de la rentabilité.
  9. La disparition du quick commerce laisse sans emploi des milliers de livreurs et de préparateursdont certains auront du mal à retrouver un emploi.

Les facteurs défavorables sont si nombreux qu’il est légitime de s’interroger pour savoir si le quick commerce est viable en France ?

Beaucoup pensent qu’il est mort alors que d’autres comme Yves Puget, directeur de la rédaction de LSA, dans son éditorial du 4 juillet 2023, pensent que si le quick commerce au sens strict est bien mort, il peut renaitre en modifiant son modèle économique. En effet la livraison à domicile rencontre des vents favorables : d’une part, une société vieillissante moins mobile et, d’autre part, une jeunesse qui ne veut pas cuisiner.

Tout est histoire de définition et de modèle économique : « livrer à domicile en 10 à 20 minutes un assortiment large de biens de consommation est une mission impossible ».

Livrer à J+1 ressort d’un autre modèle comme faire du picking en magasin au lieu d’utiliser des dark stores.

S’attaquer aux périphéries des villes comme le fait Picnic au lieu des centres-villes change la donne.

Le marché du quick commerce n’étant pas suffisamment grand, les services de livraison de courses, qui font preuve de patience et de modestie dans leurs ambitions, comme la Belle Vie, se font finalement et petit à petit une place sur un marché qu’on pourrait appeler le néo quick commerce.


[1] Marc Benoun et Blaise Durand-Réville, Quick commerce : le temps a ses limites du 25/1/2022, Quick commerce 2023 : du rêve à la réalité du 2/2/2023 et Quick commerce : commerce ou entrepôt ?  du 3/5/2023. Ces trois articles sont accessibles sur le site de l’Académie des sciences commerciales.

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