« Morosité ». C’est le vocable qui caractérise le mieux l’état du commerce de détail au cours de l’année écoulée en Belgique.
Quelques chiffres et faits clés :
- Evolution du Produit Intérieur Brut : +1,3% environ, grâce notamment à la consommation privée soutenue par le processus belge d’indexation des salaires et des prestations sociales.
- Evolution du commerce de détail : – 1% environ en moyenne
- Taux d’inflation : ± 4,3%, l’un des plus hauts d’Europe, lié en particulier au coût de l’énergie et aussi… à l’indexation des salaires.
La Confiance des consommateurs est en berne !
En voici quelques raisons possibles :
- Oui la Belgique est bien le pays du soleil liquide ! 2024 est l’année la plus pluvieuse de toutes depuis que l’on en fait la mesure.
- L’inflation est en recul mais reste élevée et l’on n’est pas encore revenu à une perception du retour positif du pouvoir d’achat dans l’inconscient collectif, malgré l’indexation des salaires.
- Les élections de juin ont amené de grands changements de majorité dans la plupart des régions mais les gouvernements se font attendre dans plusieurs instances dont le niveau Fédéral et cette incertitude pèse sur les initiatives et sur l’enthousiasme à l’achat.
- L’atmosphère est plombée par l’état de guerre qui règne plus très loin de chez nous : Syrie, Ukraine, Israël, actions terroristes ici et là…
Un grand nombre de faillites dans le commerce
On a connu un grand nombre de faillites dans le commerce durant les deux dernières années. Cela montre que, après l’euphorie des achats post-pandémie, les fondamentaux du commerce sont de retour et ils ne sont pas brillants : marges en baisse, coûts de fonctionnement en hausse, etc. Ainsi, ont fermé leurs portes cette année :
- Makro
- Hema
- Esprit
- Vastiau-Godeau : LA référence en ameublement depuis des décennies
- Filigranes : La librairie à Bruxelles
- En mode : Esprit, Scotch & Soda, Terre Bleue, Cassis, Paprika, …
- Autres : Grand Optical, Big Bazaar, Leader Price, Fun (jouets), Handyman (électromanéger), Body Shop, Blokker, Babykid, Wagamamma, …
D’autres enseignes sont en difficulté : Casa, Inno, C&A qui n’ouvre plus que des magasins de petite taille…
L’immobilier commercial souffre
Le nombre de cellules vacantes est en augmentation, même dans les grands centres commerciaux et les Centres Villes. Certaines connaissent des taux de vacance de 25%. A titre d’exemple : 3 kiosques à journaux sur 4 ont disparu en 20 ans et les librairies/tabac ne vont pas mieux. On constate la fin d’un très grand projet d’immobilier commercial.
Croissance du « Low end Retail »
Des enseignes de commerce à très bas prix fleurissent de plus en plus : Action, TEDI, Kruidvat, Wibra, Primark… Ce qui amène certains acteurs à devoir se réinventer. Ainsi Décathlon ou encore As-Adventure proposent aujourd’hui un service de réparation et d’entretien afin d’essayer de fidéliser leur clientèle.
Effondrement des commerces de mode et de chaussures
Même des enseignes comme H&M, Nike et Patagonia ont dû procéder à des « réorganisations ». Les raisons sont évidemment à chercher dans les tendances à l’e-achat auprès d’enseignes comme Temu , Shein ou Ali-eXpress qui arrivent – malgré les barrières qu’on tente de mettre en place pour endiguer cette vague – à obliger des Zalando ou des Amazon à revoir leurs modes de fonctionnement.
Le consommateur n’est pas revenu à ses anciennes habitudes après avoir fait connaissance avec ces plateformes durant la pandémie. Même les boutiques de luxe sont impactées aujourd’hui. Face aux prix de ces géants et avec la structure de coût qui est la leur en période d’inflation, les petits magasins multimarques indépendants ont beaucoup de mal à être rentables et leurs liquidités s’épuisent. Une autre explication se trouve dans le point suivant.
Croissance de l’achat d’occasion et en seconde main
Vélos, vêtements d’enfants, outils, appareils ménagers… Aujourd’hui plus d’un belge sur deux achète d’occasion. Les plateformes de commerce de seconde main ont un bel avenir devant elles !
Marges commerciales en baisse
Notamment à cause de promotions très agressives (ex : 2+4 gratuits en alimentaire !) De plus, nombre de fournisseurs/producteurs ne souhaitent plus voir leurs marges soumises à la pression des négociations annuelles avec les grandes enseignes et ont les moyens technologiques de s’adresser en direct au consommateur en faisant concurrence au commerçant.
Consolidations dans le domaine de l’alimentaire
Les enseignes Match et Smatch sont passées dans le giron de Colruyt et celles de Carrefour Mestdagh ont été intégrées au réseau Intermarché. DéliTraiteur est racheté lui aussi par Colruyt et Cora cherche des repreneurs. Le commerce alimentaire, lui, souffre encore peu des achats en ligne (seulement 3%). Et c’est heureux car le consommateur s’habitue vite à la gratuité de la livraison dans de nombreux domaines et c’est quelque chose que la distribution alimentaire ne peut se permettre. Cela amène encore plus de poids au retailer face au producteur, notamment quand on constate la croissance des chiffres réalisés en marques de distributeur depuis que le consommateur qui paye son énergie de plus en plus cher fait plus attention à ses dépenses.
Mise en franchise accélérée du parc de supermarchés en Belgique
Delhaize, Intermarché… avec souvent une augmentation forte du chiffre d’affaires liée notamment à l’ouverture du dimanche mais pas toujours avec les résultats nets escomptés, en raison toujours de la baisse des marges brutes, de l’augmentation des coûts de fonctionnement (énergie et salaires, notamment).
Introduction de l’IA dans le commerce
Tout le monde en parle ! Certains le font comme IKEA qui ouvre son système de « décorateur virtuel ». Mais on commence déjà à voir les limites de l’IA : vulnérabilité aux cyber-attaques, amendes pour abus de données privées, fermetures des expériences de magasins sans caisse pour cause de coût et de difficulté de développement, etc. Les investissements nécessaires pour la mise en concordance avec les nouvelles réglementations sur la durabilité en Europe vont également peser sur les coûts et obliger à trouver des marges supplémentaires. Mais où ?
Il me semble bien qu’on peut écrire le même article sur la situation en France
Dans les années 1995 j’ai géré un magasin d’usine à Thorout à l’époque il m’avait été difficile d’ouvrir ce magasin car il fallait apporter des tas de preuves sur ma capacité et diplômes pour ouvrir et tenir un commerce d’autre part j’avais dû demander au bourgmestre si nous avions l’autorisation d’ouvrir par rapport à l’existant des commerces locaux
Nous étions le 1er groupe industriel français avec des marques comme Cardin ou Lapidus. Ayant obtenu ces autorisations nous avons pu ouvrir en créant 4 emplois et la facilité pour moi était de transmettre à un bureau social ( je crois que c’était le nom) qui gérait absolument toute la partie paye des salariés avec retenue des impôts à la source (bien avant la France) c’était génial pour un commerçant indépendant
Celà existe t’il encore ?
Merci pour votre réponse
Hello, Vous avez eu à passer par les « fourches caudines » de la loi sur les implantations commerciales qui était en vigueur à ce moment-là.
Cette loi fut modifiée en 2015 puis encore en 2023. Elle était au départ destinée à protéger le petit commerce indépendant contre l’installation de grandes surfaces et était surtout basée sur l’impact économique que provoquait l’installation d’un commerce de grande chaîne et de grande taille sur le tissu commercial local. Mais cette disposition fut battue en brèche par l’Union Européenne pour cause de limitation à la libre concurrence. Aujourd’hui il faut toujours obtenir un permis urbanistique et un permis d’exploitation mais les critères sont plutôt basés sur le respect des plans locaux d’aménagement du territoire ( pour faire court !). Il faut aussi toujours obtenir « l’accès à la profession » à titre personnel pour le gérant mais c’est une pure formalité pour qui a un parcours d’études un peu sérieux sauf pour certaines professions où il faut aussi passer un « jury des pairs » plutôt corporatiste ex: agent immobilier ou courtier en assurance.
Votre deuxième question porte sur le « secrétariat social » et c’est effectivement une pratique quasi-généralisée pour les PME et les associations sans but lucratif qui ne peuvent se payer un staff pour administrer les salaires (législation sociale particulièrement compliquée et changeante en Belgique!). Quant aux retenues à la source ( sécurité sociale et précompte professionnel) , c’est la règle depuis quasi toujours en Belgique pour tous les salariés. Cela facilite aussi beaucoup leur déclaration d’impôt sur les personnes physiques: tous les relevés des payements effectués et des prélèvements sont fournis aux autorités en fin d’année ( « relevé 325 »). C’est sur cette base que l’impôt est établi s’il n’y a pas d’autre type de revenus ( mobiliers , immobiliers, pensions alimentaires , plus values, revenus étrangers etc.). Merci pour votre intérêt !