L’éthique et le durable

Parce qu’il nous faut accorder une place de plus en plus grande à l’éthique dans notre gestion d’entreprise, nous ne pouvons ignorer que cette appellation recouvre des concepts de valeurs qui peuvent être très différents d’un pays à l’autre, d’une entreprise à l’autre, d’une personne à l’autre, et même d’un moment à l’autre dans la vie d’une même entreprise.

L’éthique : gardienne des valeurs de notre société

Si le respect des autres et la loyauté constituent fondamentalement les éléments essentiels de l’éthique, cette notion est évidemment bien plus large et intègre des composantes aussi différentes que la culture, la morale, la déontologie, le sens des responsabilités, la conscience du bien et du mal et la volonté de respecter ce qui est juste ou ressenti comme tel. Et c’est bien pourquoi l’éthique apparaît comme la gardienne des vraies valeurs de notre société.

Cette éthique, qui s’impose toujours davantage dans notre culture d’entreprise, est ainsi devenue progressivement un véritable élément essentiel de notre gestion, tant au niveau des relations de nos entreprises avec leur personnel et leurs divers partenaires économiques, politiques et sociaux, qu’au plan relationnel souvent complexe entre leurs collaborateurs euxmêmes. L’éthique sociologique et l’éthique commerciale se trouvent ainsi étroitement associées et cette double approche va former le fondement même d’une nouvelle culture d’entreprise.

Mais comment une véritable éthique commerciale peut-elle s’épanouir dans ce contexte ? Pour qu’elle puisse porter ses fruits, il importe que toutes les activités de l’entreprise soient conduites en respectant les règles que celle-ci s’est données en termes d’équité, de loyauté, d’intégrité, de vérité, de clarté, de sincérité, de responsabilité. Il faut aussi que l’obéissance aux lois et le respect des intérêts légitimes de tous les partenaires de l’entreprise soient des réalités rigoureuses de tous les instants et, enfin, il faut impérativement que toute concurrence déloyale soit résolument écartée. La recherche de l’excellence doit s’imposer à tous les collaborateurs, la corruption ne peut être tolérée, le respect des personnes implique la condamnation de tout harcèlement quel qu’il soit, les relations avec les partenaires commerciaux doivent être empreintes de respect mutuel.

L’éthique commerciale se fonde dès lors sur un ensemble de bonnes pratiques qui garantissent aussi une honnêteté totale au niveau des relations concurrentielles. C’est pourquoi la recherche d’avantages concurrentiels doit se justifier par des performances supérieures et non par le recours à des pratiques commerciales contraires aux principes de la déontologie professionnelle, du droit et de la morale. Et, en réalité, l’éthique commerciale ainsi définie n’est aucunement un frein au développement des affaires, mais apparaît au contraire comme un véritable outil de progrès. La bonne réputation qu’elle génère et la confiance qu’elle suscite auprès des partenaires de l’entreprise se révèlent en effet être des valeurs mobilisatrices qui contribuent à la réussite. C’est pour cette raison qu’il faut plaider résolument pour le respect des vraies valeurs au sein de nos entreprises, et qu’il faut faire de notre éthique de conviction, une véritable éthique d’action qui inspire profondément notre gestion quotidienne.

La conviction qui doit être la nôtre est que l’éthique constitue une avancée considérable pour la gestion de nos entreprises. Et il importe de bien prendre la mesure d’une réalité nouvelle : l’éthique est devenue un outil de la croissance, dans la mesure où elle est porteuse d’une philosophie qui entraîne l’adhésion de tous les publics de nos entreprises. Par ailleurs, la prise en compte de l’importance toujours plus grande accordée au développement durable vient conforter cette responsabilisation croissante de tous les partenaires des circuits industriels et commerciaux, mais aussi des populations soucieuses de protéger les ressources de la planète au bénéfice des générations futures. Car il existe naturellement une complémentarité fondamentale entre les principes de l’éthique et les règles de protection des conditions de vie des populations de notre Terre, aujourd’hui et demain. ; et il s’agit bien, finalement, de créer des synergies nouvelles entre les responsabilités économiques et les responsabilités sociétales de nos entreprises.

Le développement durable s’impose à nos entreprises

Aujourd’hui, aucune entreprise ne peut plus ignorer la prise de conscience universelle de l’absolue nécessité de protéger la Terre et ses potentialités pour les générations futures. Le développement durable s’inscrit en lettres d’or sur notre feuille de route. Epargner l’énergie, protéger l’environnement, mettre tout en œuvre pour respecter la nature et sauvegarder ses ressources, veiller avec une rigoureuse attention à la protection de la santé humaine par une utilisation judicieuse et rationnelle des produits que nous offre notre planète, ne sont que quelques aspects de cette démarche nouvelle qui doit impérativement être suivie par tous pour que demain existe.

Dans cette grande aventure, les entreprises de distribution ont une mission bien spécifique à remplir, qui doit s’exprimer non seulement au niveau de leur politique produits, mais aussi dans leur gestion énergétique et l’approche écologique qui doit présider à leurs décisions structurelles. En d’autres termes, le développement durable s’invite à tous les échelons de la gestion d’entreprise et il implique qu’une attention toute particulière soit portée à la fois à la bioéthique et à l’utilisation responsable des matières premières, incluant le suivi d’une véritable politique de recyclage. En s’engageant sur le chemin du développement durable, nos entreprises doivent s’inscrire résolument dans une démarche globale favorable aux intérêts de leurs clients et dont elles tireront elles-mêmes avantage.

Lorsqu’ils réduisent leurs consommations d’énergies et leurs émissions de gaz à effet de serre, nos magasins démontrent leur volonté et leur aptitude à maîtriser leur impact écologique et, ce faisant, ils se dotent d’outils nouveaux qui vont leur permettre de réaliser des économies. Le durable peut faire gagner de l’argent. L’industrie photovoltaïque est riche de potentialités diverses. L’énergie solaire est par excellence une énergie renouvelable. Les installations de panneaux solaires ou de cellules photovoltaïques sur les toits des grandes surfaces de vente permettent d’intéressantes réductions des dépenses énergétiques. L’adéquation entre la structure des bâtiments existants et le poids de ces équipements étant établie, et le délai d’amortissement de ces installations bien défini, le calcul de la rentabilité des installations photovoltaïques va permettre de mesurer leur contribution à la fois à l’économie d’énergie et à la rentabilité.

Quant à la production de froid, elle constitue de loin le poste de dépenses énergétiques le plus important des hypermarchés et surtout des supermarchés, et pour les réduire, on généralisera autant que faire se peut le recours aux meubles fermés pour la présentation des produits surgelés et on utilisera des systèmes de production de froid à la fois économiques et écologiques. Le recours à des énergies renouvelables et une gestion centralisée des divers besoins énergétiques des magasins s’imposent plus que jamais. On utilisera des lampes restituant la nuit l’énergie qu’elles ont emmagasinée durant la journée, on placera des minuteries électriques dans les locaux réservés au personnel, on améliorera l’isolation des chambres froides, on récupérera la chaleur produite par les meubles frigorifiques pour produire de l’eau chaude et alimenter le chauffage, on utilisera autant que possible la lumière naturelle complétée par un éclairage modulé par des cellules à haute photosensibilité en fonction de la luminosité externe pénétrant dans le point de vente. Car la réduction de la facture énergétique est au cœur même du développement durable et de la recherche d’une meilleure rentabilité.

Respecter à la fois l’éthique et le développement durable est compatible

A présent que la nécessité de respecter les règles de l’éthique dans la gestion d’entreprise s’impose résolument aux dirigeants, tandis que les contraintes qui résultent du nécessaire développement durable s’affirment de jour en jour, la question de la compatibilité de ces deux démarches fondamentales se pose et impose qu’une réflexion soit conduite sur le fondement même de ce double avènement de règles nouvelles qui conditionnent, l’une et l’autre, l’avenir de nos entreprises.

En d’autres termes, la mise en pratique d’une stratégie de gestion fondée sur le respect de l’éthique est-elle susceptible de permettre à l’entreprise d’en tirer avantage pour assurer son développement, sans que la mise en place simultanée d’une politique de développement durable vienne compromettre cette progression ? L’éthique est-elle porteuse d’avenir et si oui, faire le choix du durable est-il de nature à renforcer ou à compromettre les performances qu’on en attend ?

Opter pour l’éthique à l’intérieur de l’entreprise et au niveau des relations de l’entreprise avec ses divers partenaires, par exemple en faisant le choix du commerce équitable, est évidemment de nature à générer des coûts supplémentaires, mais aussi de se révéler comme un facteur de valorisation de l’entreprise au niveau de son positionnement sociétal, et de contribuer dès lors à son épanouissement. L’éthique apparaît alors comme un véritable catalyseur, non seulement pour la bonne image de l’entreprise, mais aussi pour son développement effectif.

Quant au choix du développement durable, il est en réalité très étroitement lié à cette même réflexion, car cette démarche, fondée essentiellement sur la volonté de sauvegarder l’environnement pour la génération présente et les générations futures, et bien évidemment aussi sur l’espoir d’assurer la pérennité de l’entreprise dans le temps, est de nature à jouer également un rôle de catalyseur pour l’image de l’entreprise et son développement.

En réalité, l’éthique et le durable, loin d’être antinomiques, se révèlent comme deux nouveaux atouts de la croissance économique, du progrès social et de la sauvegarde de l’environnement. Il s’agit bien, en effet, pour nos entreprises pratiquant une politique fondée sur l’éthique, de générer des performances qui s’inscrivent dans la durée, dans ces trois domaines. La mise en œuvre d’une éthique managériale doit dès lors être considérée comme un levier pour la réalisation des objectifs de l’entreprise à moyen et à long terme, grâce à l’intégration de stratégies nouvelles alliant performance économique et performance sociétale.

Mais tout ceci n’est possible que si les gestionnaires des entreprises sont intimement convaincus de la légitimité des attentes de leurs divers partenaires économiques et sociaux en termes d’éthique et d’écologie, et sont résolus à partager ces valeurs nouvelles avec eux. L’éthique et le durable sont une affaire de partenariat, en toute transparence et sur base d’une responsabilité partagée. Il n’en faut pas douter, l’avenir appartiendra aux entreprises ayant intégré ces valeurs dans leurs plans stratégiques.

De l’éthique au commerce équitable et à la séduction des consommateurs

La recherche de l’éthique fait donc son chemin dans la gestion des entreprises et la signification des messages que celles-ci diffusent à son sujet vers leurs divers publics n’échappe pas aux consommateurs. La prise de conscience de la nécessité de développer des pratiques commerciales équitables, respectant les intérêts de chacun des partenaires, de l’amont à l’aval des filières de production et de distribution, s’impose à tous. Et, tout naturellement, les consommateurs s’interrogent sur leurs propres droits et leurs propres devoirs, dans le cadre de cette vision nouvelle qui leur est proposée de leur environnement économique et social. Ils se demandent, en particulier, si les informations qui leurs sont données à ce propos sont complètes, fiables, objectives. Ils attendent de nos entreprises qu’elles les informent et qu’elles les rassurent. Ils veulent aussi que l’avènement du commerce équitable s’effectue dans le respect de leurs prérogatives. Ils ne comprendraient pas d’être exclus de cette réflexion globale sur la société humaine. Ils souhaitent être des acteurs à part entière de cette évolution, à la fois pour l’encourager et pour veiller au maintien du niveau qualitatif de leurs conditions de consommation, notamment en ce qui concerne la qualité des produits qu’ils nous achètent et les conditions auxquelles nous les leur vendons.

Le commerce équitable est donc devenu une réalité pour les entreprises, tant de production que de distribution. Leur engagement au niveau de l’éthique est devenu un critère d’appréciation de leur respect des valeurs morales. Et les questions sont nombreuses, qui s’inscrivent dans cette nouvelle réflexion: Est-il équitable de délocaliser certaines productions vers des pays émergeants, en portant préjudice à la population des pays délaissés tout en abusant parfois de la vulnérabilité des populations des nouveaux pays investis ? Est-il équitable de contribuer à maintenir des enfants dans le réseau du travail, dans des conditions pénibles, en tirant profit de leur pauvreté ? Est-il équitable d’ignorer les droits sociaux fondamentaux de travailleurs livrés à leurs exploiteurs par la misère ? Est-il équitable de contribuer par une politique basée sur le profit à l’aggravation du degré de pauvreté des populations les plus pauvres ? Est-il équitable de refuser à des populations défavorisées le droit de voir progresser leur niveau économico social en ne rémunérant pas leur travail à la hauteur de leurs mérites ? Toutes ces questions, le nouveau consommateur-citoyen se les pose et nous les pose. Nous ne pouvons pas refuser de les entendre.

Parce qu’elles ne peuvent ignorer ces réalités, souvent lointaines et parfois difficilement perceptibles, nos entreprises ont un triple devoir d’information, d’assistance et de communication. Ceci implique à la fois la prise de conscience de l’ensemble de la problématique du commerce équitable, la prise de la décision d’intégrer ses principes dans la culture d’entreprise, la prise d’engagements garantissant la transposition de ces options au niveau de la politique de l’entreprise, la prise de contacts avec les divers publics de l’entreprise afin de les informer des choix qui ont été faits pour promouvoir un authentique commerce équitable. Et pour qu’elle porte réellement ses fruits, il importera que cette nouvelle stratégie et la campagne d’information qui l’accompagnera ne soient aucunement perçues comme une démarche de récupération. Il ne pourrait en être ainsi d’ailleurs. Il faut, en effet, qu’une volonté sincère de contribuer à l’avènement d’un véritable commerce solidaire soit présente, pour que l’éthique triomphe.

Comment les consommateurs répondront-ils à ces nouvelles règles du jeu ? Une première remarque s’impose : le commerce équitable capte toujours plus l’attention de toutes les catégories de consommateurs. Il s’agit d’une tendance forte, même si un pourcentage encore limité de consommateurs tiennent réellement compte des engagements des entreprises dans le domaine de l’éthique, lors de la réalisation de leurs achats. Il est significatif de noter, à ce propos, qu’un nombre croissant de consommateurs se déclarent disposés à payer plus cher des produits porteurs de marques reconnues comme équitables. Leur fidélisation à ces marques se trouve également confirmée, de même que se trouve confirmé le rejet de certaines marques dont l’image s’est trouvée compromise par le non-respect avéré de principes équitables. Cette démarche s’inscrit, en outre, dans le cadre de la volonté nouvelle des consommateurs de mieux connaître l’origine des produits qu’ils achètent, une revendication qui est appelée, à court terme, à donner à la traçabilité une importance considérable. C’est pourquoi il importe qu’une véritable et fructueuse collaboration se développe entre les distributeurs et leurs fournisseurs, tant dans le domaine spécifique du commerce équitable et solidaire, qu’au niveau de la traçabilité.

Faire de l’éthique un atout de la croissance

Dans ce contexte général d’évolution des relations entre les entreprises, il faut dès lors considérer comme acquis que le respect de l’éthique constitue une véritable opportunité pour les entreprises, et cela dans la mesure où il se trouve confirmé que les consommateurs acceptent de plus en plus de payer plus cher pour obtenir des produits portant un label du commerce équitable. La prise de conscience, d’une part des problèmes de survie qui se posent à notre planète, et d’autre part des problèmes de survie qui se posent aux populations défavorisées qui travaillent au stade de la production des produits de consommation, tend à se généraliser. Les exigences nouvelles qui en résultent au niveau de la clientèle de nos magasins, nous obligent, à la fois, à inclure l’ensemble de cette problématique dans notre stratégie de développement d’entreprise, et à élaborer une communication fondamentalement novatrice dirigée vers nos clients consommateurs.

L’engagement en faveur de l’éthique s’exprime, de façon fondamentale, dans plusieurs domaines et à différents niveaux. Certes, la protection de l’environnement et les économies d’énergie font la course en tête, mais nous retiendrons surtout la volonté de privilégier le respect de la santé humaine en mettant sur le marché des produits hautement qualitatifs, et les problèmes de conscience que pose le non-respect de conditions de travail socialement acceptables au niveau de la production dans un certain nombre de pays. Le consommateur-roi d’aujourd’hui veut qu’une éthique rigoureuse s’impose à ces deux niveaux et il appartient à nos entreprises de répondre favorablement et de façon efficace à cette double exigence.

La question qui se pose actuellement est la suivante : la crise économique qui sévit au niveau planétaire est-elle de nature à faire reculer cet avènement du commerce équitable, les entreprises confrontées à la contraction de leurs profits étant susceptibles d’accorder moins d’importance aux bonnes pratiques inspirées par l’éthique. La réponse à cette question existentielle devrait être négative, car la modification profonde qui s’est produite de la pensée et des comportements des consommateurs, n’a pas un caractère occasionnel, ou momentané, ou cyclique même. Il s’agit bien d’une nouvelle conceptualisation de la consommation, d’un nouveau choix de vie de nos populations, d’une véritable révolution de la perception de la qualité alimentaire et de l’éthique qui lui est étroitement et définitivement associée. Le changement intervenu et qui régit les nouvelles règles d’origine et de qualité des produits de consommation est fondamental et sa pérennité doit être considérée comme acquise.

C’est pourquoi, nos entreprises doivent impérativement inscrire leur philosophie et leur politique de développement dans l’optique de la nouvelle culture mondiale de la transparence qui impose le respect de la vérité, de l’authenticité et de l’intégrité. Et il importe qu’elles trouvent dans cette transparence des atouts pour grandir. Ce faisant, elles répondront à la vocation qui est la leur de contribuer à satisfaire les besoins des générations présentes, à sauvegarder les capacités des générations futures pour leur permettre de satisfaire leurs propres besoins, et finalement, à assurer l’avenir de l’humanité.

Laisser un commentaire