Pour ceux qui n’ont pu assister à la 2e cérémonie de la remise des Prix télévisuels de notre académie, nous présentons ci-dessous les résumés des 12 documentaires sélectionnés parmi lesquels nous avons choisi 4 Prix (Prix télévisuel – Académie des sciences commerciales (academie-des-sciences-commerciales.org).
PRÉSENTATION PAR ELENA LIZÓN-RESPAUT DU DOCUMENTAIRE « Fast fashion, les dessous de la mode à bas prix »
Les journalistes d’investigation Edward Perrin et Gilles Bovon ont réussi à pénétrer la face cachée de la fast fashion qu’on peut traduire en français par « mode jetable ».
Ce concept inventé par Zara et H & M a permis une démocratisation accélérée de la mode. La femme actuelle a compris le code : être bien habillée pour être bien acceptée.
Mais l’énorme succès remporté par la mode à petits prix n’a pas manqué d’engendrer l’arrivée de nouveaux entrants comme les Britanniques PrettyLittle Thing et Missguided qui utilisent pleinement les ressources du marketing moderne : vente en ligne et influenceurs…
Mais produire le moins cher possible provoque des dégâts sociaux : un esclavage moderne qu’on rencontre en Chine, en Inde, et même en Grande- Bretagne.
Le documentaire montre aussi que la fast fashion coûte très cher à la planète. Avec près de 56 millions de tonnes de vêtements venduschaque année, l’industrie textile représente à ce jour la deuxième source polluante au monde, après le pétrole !
Les différents témoignages d’acteurs et de travailleurs de ce secteur dressent tous le même bilan alarmant : « fast fashion, attention danger ! »
Ce documentaire est une invitation à une prise de conscience pour une consommation plus responsable et éthique.
PRÉSENTATION PAR BLAISE DURAND-RÉVILLE DU DOCUMENTAIRE « Déco à prix cassés »
Le marché de la décoration du logement des Français représente 7 milliards €. Lequel d’entre nous n’a pas aspiré à avoir une nouvelle cuisine ?
Ce marché a connu ces dernières années un développement remarquable. Deux exemples sont présentés dans cette vidéo :
- La chaine néerlandaise « Hema » Plus de 500 magasins en Europe de l’Ouest ! La stratégie est d’apporter dans tous les articles d’usage quotidien un petit plus, soit par la technicité, soit dans la couleur ou le dessin, soit par le prix. On trouve les magasins aussi bien en centre-ville que dans les centres commerciaux.
- L’autre exemple est la chaîne de magasins de bricolage : « Bricorama Arrivages » est développé, avec comme exemple, la gamme des perceuses …en commençant par une perceuse à 8,75 € ! …et elle perce !
L’étude du produit avec le fabricant est bien exposée et la vidéo détaille la vie du produit, y compris son marketing faisant jouer la règle universelle des « quantités limitées » poussant le chaland à se précipiter pour acheter avant que le stock ne soit écoulé.
L’idée de faire jouer la garantie de « Que Choisir » pour évaluer le prix/qualité renforce l’argumentaire.
Ce documentaire n’apporte pas grand-chose aux professionnels, mais il a le mérite de présenter au grand public quelques facettes du marché de la décoration.
PRÉSENTATION PAR BLAISE DURAND-RÉVILLE DU DOCUMENTAIRE « Lidl, la fin du hard discount »
Ce documentaire est consacré exclusivement à la chaîne des magasins d’alimentation Lidl pour y présenter sa nouvelle stratégie. Celle-ci est axée sur l’abandon du concept de hard discount pour cibler une clientèle plus fortunée …mais sans abandonner les méthodes qui ont fait le succès de Lidl et de ses concurrents dont le précurseur Aldi.
La vidéo en suivant la journée d’un directeur d’un magasin énonce comment la société a établi sa stratégie de telle façon à mieux servir les clients qu’elle a ciblés, tout en essayant de garder un niveau de prix proche de l’ancien.
Tout y passe : la mise en rayon, l’étude des matières premières, les marques propres (il y a quand même 10% de l’assortiment en « marques nationales ») et le salaire des employés.
L’interview d’Olivier Dauvers à la fin du documentaire est claire : « Si Lidl veut maintenir sa stratégie, il lui faudra augmenter les étiquettes ! ».
PRÉSENTATION PAR JEAN-FRANÇOIS BOSQUET DU DOCUMENTAIRE « L’empire Amazon »
Le documentaire est avant tout biographique. C’est l’histoire d’une irrésistible ascension, celle d’un homme, Jeff Bezos, à qui tout réussit, parti de rien – « big things start small », qui a révolutionné le commerce et créé un empire tentaculaire. Le ton est donné dès le début. La planète serait-elle devenue trop étroite pour le patron d’Amazon qui annonce avec fracas son projet de coloniser l’espace ? Et par contraste, pour montrer le chemin parcouru, on est plongé immédiatement après dans la genèse d’un groupe né en 1995 qui s’attaque au commerce des livres, idée banale en apparence. Mais le génie de son créateur, c’est d’avoir compris avant les autres que celui qui détient les données est gagnant, à condition de les associer à la puissance d’internet et à la technologie des plates-formes.
Le documentaire ne tient pas seulement du récit. C’est une enquête méthodique, où le réalisme prime sur la fiction. Jeff Bezos est un homme pressé. Il a vocation à livrer tous produits à grande échelle et le plus vite possible (Amazon Prime). L’enchaînement des reportages sur un rythme soutenu traduit bien cet appétit et cette course folle pour être l’initiateur, en position de force et par là-même incontournable. Plusieurs extraits de ses one man show sur scène sont significatifs à cet égard. Son rire déferle sur l’assistance, long, sonore, carnassier. On se rappelle qu’il suggérait qu’Amazon approche les petits éditeurs « comme le guépard poursuit une gazelle blessée » (the gazel program). Une extension considérable du marché à travers le magasin intégral d’Amazon, oui, mais à quel prix pour les producteurs et les commerçants ?
Témoignages et interviews alternent : proches collaborateurs, compagnons de la première heure, partenaires, contradicteurs, juristes, journalistes, économistes, …
La vie de l’entreprise est émaillée de contentieux qu’on retrouve tout au long du documentaire et qui constituent une menace permanente pour elle : atteintes au droit de la concurrence, abus de position dominante, propriété et usage des données personnelles…
Le plus bel exemple du gigantisme d’Amazon est illustré dans le documentaire par l’appel d’offres lancé en 2017 pour l’implantation de nouveaux sites sur le sol américain avec la promesse de 5 milliards $ d’investissement et 50.000 emplois créés par le Groupe ! Il s’en est suivi une féroce compétition entre les grandes villes.
Pour l’équilibre de la démonstration, on eût aimé qu’il soit fait aussi mention des faiblesses de la stratégie d’Amazon (coûts logistiques exorbitants, marges restreintes sur l’e-commerce, retrait de la plateforme en Chine…),
Au final, on retiendra du documentaire l’aventure humaine d’un pionnier et d’un visionnaire, libre à chacun d’en juger.
PRÉSENTATION PAR MARC BENOUN DU DOCUMENTAIRE « Les pièges du commerce en ligne »
Julian Bugier présente avec sobriété et talent dans un numéro hors-série de « Tout compte fait », les pièges du commerce en ligne ». Il montre les avantages du e-commerce mais aussi ses effets pervers (vidéo non disponible).
Nous pénétrons dans les coulisses de ce mode de vente qui a connu une expansion étonnante de 30% de 2021 par rapport à 2020 et qui représente en France 40 produits vendus chaque seconde.
Si le commerce en ligne présente de nombreux avantages : choix étendu, prix souvent compétitifs, livraisons rapides, il est aussi parsemé de pièges que l’émission détaille à travers des exemples vivants : fausses promotions, faux avis et surtout énorme gâchis d’emballages.
Mais « Tout compte fait » dépasse la critique car ce magazine mentionne aussi qu’il existe des solutions possibles.
PRÉSENTATION PAR JEAN-FRANÇOIS BOSQUET DU DOCUMENTAIRE « Cash Investigation : nos données personnelles valent de l’or »
La thématique est d’actualité. Le respect des données personnelles concerne tous les domaines de la vie quotidienne de tous citoyens, y compris celui de leur santé.
Le magazine nous immerge dans le déroulement des enquêtes, met en avant leur rigueur et leur ténacité. Les investigations, parfois musclées, des journalistes sont suivies d’un dialogue avec un expert, ce qui permet au téléspectateur de se forger sa propre opinion.
Le montage est bien réalisé. Il donne du rythme aux séquences, avec une musique originale et un défilé fluide de chiffres et d’informations à l’écran, qui rendent le documentaire agréable à regarder malgré l’austérité et la complexité du sujet traité.
La mise en scène est un élément d’appréciation décisif. La personnification des sites-espions est originale et ludique. Le procédé qui consiste à faire suivre des êtres humains par des espions figuratifs, qui ne les lâchent pas d’une semelle, est une façon de montrer l’omniprésence de ces sites-espions et de faire prendre conscience des dangers encourus. Leur effet humoristique allège le ton du documentaire.
Ce magazine est un hommage rendu à l‘émission d’Elise Lucet, aux journalistes et à l’équipe de production de Premières Lignes menée par Linda Bendali. Il faut louer le sérieux des enquêtes, la transparence de la démarche et la volonté marquée de rendre le travail de cette équipe accessible au plus grand nombre.
PRÉSENTATION PAR GÉRARD NOËL DU DOCUMENTAIRE « Hypermarchés, la chute de l’empire »
Ce documentaire traite de façon magistrale d’un sujet majeur, celui de l’évolution de cette forme de commerce qui domine aujourd’hui 70% de la distribution en Europe.
« Hypermarchés, la chute de l’empire », développe paradoxalement en conclusion l’idée que l’avenir des supermarchés, n’est pas aussi inéluctablement sombre que beaucoup le prédisent. Il peut survivre et même se développer de façon rentable si des conditions d’adaptation sont mises en œuvre en combinant l’utilisation optimale des nouvelles technologies tout en conservant la relation humaine entre client et vendeur.
Le documentaire décrit parfaitement la situation actuelle, fragilité des hypermarchés en Europe, notamment en termes de rentabilité. Ils font face à la concurrence des plateformes numériques ainsi qu’à la lutte féroce que leurs différentes enseignes se livrent sur les prix. Il décrit en détail la relation de plus en plus tendue avec les fournisseurs pour cette politique de prix.
Inversement, le documentaire en contrepoint montre qu’aux Etats-Unis et en Chine la révolution numérique et l’intelligence artificielle mises en œuvre avec le maximum de leur potentiel permettent aux supermarchés de conserver et même de développer leur base de consommateurs. L’exemple typique de l’évolution en cours est la stratégie d’intégration d’Amazon qui combine plateforme numérique et magasin physique hyperconnecté qu’il rachète, ou qu’il crée.
On appréciera en outre la qualité de la réalisation, l’approche mondiale du sujet, les nombreux témoignages de professionnels, distributeurs et fournisseurs, qui viennent étayer la comparaison concrète et illustrée entre les évolutions respectives en Europe, aux États-Unis et en Chine.
En résumé, il semble bien que les auteurs pourraient ajouter un point d’interrogation à l’intitulé de leur documentaire … !
PRÉSENTATION PAR GÉRARD NOËL DU DOCUMENTAIRE « Secrets de consommation, les dessous de la planète Leclerc »
Ce documentaire diffusé sur RMC Story plonge au cœur de Leclerc, numéro 1 des hypermarchés en France, fort de ses 650 magasins et d’un chiffre d’affaires de 40 milliards €.
Il montre que la stratégie globale, et celle de chaque magasin, est d’être le moins cher sur chaque zone de chalandise et d’en faire l’axe de la politique publicitaire. Le groupe Leclerc y consacre un budget considérable.
Cette politique de prix s’appuie sur des négociations extrêmement dures avec les fournisseurs. On peut parler d’un bras de fer permanent !
Le documentaire dans sa dernière partie souligne le nouveau défi auquel est confronté le système Leclerc : il s’agit de la concurrence grandissante des superettes qui se sont considérablement développées : + 40% en 10 ans ! La planète Leclerc est contrainte de s’adapter à ce nouvel environnement.
PRÉSENTATION PAR MARC BENOUN DU DOCUMENTAIRE « Les rois de la vente à domicile »
Ce documentaire réalisé par Maëlle Joulin, présente le métier de la vente à domicile moderne à travers quatre portraits.
1) Christophe est l’un des rares hommes vendeurs à domicile pour le compte de la mythique marque Tupperware. Pourtant, il y a 5 ans à peine, il était encore géomètre ! Christophe ambitionne d’être dans le top 10 des meilleurs vendeurs de Tupperware en France.
2) Léa est éducatrice pour enfants à temps partiel. Pour avoir un revenu complémentaire, cette jeune femme s’est lancée dans la vente de bijoux à domicile. Léa a été séduite par la possibilité de gérer son emploi du temps comme elle l’entend. Mais pour obtenir un revenu suffisant, il lui faut trouver assez de clientes et d’autant plus qu’elle a dû investir 500 € pour constituer son matériel de démonstration. Léa se donne six mois pour rentrer dans ses frais et obtenir un petit revenu.
3) Carmen. « Rendre les gens heureux », c’est la mission que s’est donnée Carmen, grâce à son aspirateur purificateur d’air de haut-de-gamme. Pour convaincre ses interlocuteurs d’investir plus de 2000 € dans son appareil, Carmen ne ménage pas sa peine : des murs aux plafonds en passant par les matelas tout y passe dans sa démonstration. Avec une moyenne d’une vente pour deux visites sa performance est remarquable.
4) Stéphanie. Pour cette jeune femme la vente à domicile revêt un tout autre visage. Stéphanie, 30 ans, dirige le haras familial. Elle y organise la reproduction de ses chevaux, mais est également à la tête d’une marque de cosmétiques fabriqués à base de lait de jument. Avant, Stéphanie distribuait ses produits dans des magasins bio, mais il y a un an, elle a fait le pari de les vendre à domicile, ce qui lui permet de faire partager sa passion. Mais entre son haras et ses visites, elle risque d’être débordée d’où sa décision de constituer un réseau d’une cinquantaine de vendeurs.
PRÉSENTATION PAR MARC BENOUN DU DOCUMENTAIRE « Fast fashion la fin d’un modèle ? »
Documentaire et débat sur les nouvelles tendances de l’industrie textile.
La question est clairement posée : à l’apogée dans les années 90, la fast fashion, vêtements copiant la mode mais à petits prix, est-elle maintenant en déclin ?
La fast fashion est aujourd’hui remise en cause sous les effets conjugués d’un comportement plus écoresponsable du consommateur et de la prise de conscience des dégâts sociaux et environnementaux causés par l’industrie textile, la cinquième industrie la plus émettrice de gaz à effet de serre et la troisième industrie la plus consommatrice d’eau.
Les Européens jettent 4 millions de tonnes de textiles tous les ans – dont 80% sont enfouis ou incinérés, et seuls 20% recyclés.
Comment lutter contre le gaspillage ?
Forlife une marque de vêtements qui utilise le système de la précommande fabrique uniquement ce qui est vendu.
Ces dernières années la vente de vêtements neufs a chuté, au profit de la mode de « seconde main ». Une tendance à laquelle les géants du prêt-à-porter tentent de se raccrocher.
Alors, l’industrie textile est-elle vraiment en pleine mutation ?
PRÉSENTATION PAR ZYSLA BELLIAT DU DOCUMENTAIRE « Une saga française, la Saga Michelin »
Le documentaire relate l’histoire de l’entreprise Michelin au travers de nombreuses images d’archives, de témoignages et d’entretiens passionnants d’historiens, d’ethnologues, de maîtres de conférences pour l’angle académique, mais aussi d’ancien ouvriers, et de collectionneurs.
On y voit l’évolution des activités de Michelin, l’explication des diversifications visionnaires : d’abord la création des pneus pour les vélos, puis l’automobile, puis l’aviation, le train, etc., diversifications aussi avec les cartes, les guides rouges et verts, la signalisation routière, la grande expédition « Croisière jaune » avec Citroën. On comprend comment le Bibendum s’impose et évolue pour à la fois demeurer pérenne et incarner symboliquement toute la population des ouvriers qu’on va appeler et qui s’appelleront d’eux-mêmes « Les Bib’ ».
Le documentaire décortique très bien également comment nait l’Esprit Michelin avec au départ les deux frères : André, d’ailleurs probablement inventeur du Bibendum, et Edouard. Ils recourent à des méthodes inspirées du Taylorisme vers 1900. Ensuite, le paternalisme « à la Michelin » va accompagner les salariés dans les fameuses cités Michelin où l’on trouve maternité, écoles, magasins, équipements sportifs, etc. À partir des années 60 la personnalité de François Michelin qui incarne le secret et une forme d’ascétisme permet de renforcer le mythe avec la « figure du père » qu’il incarne.
Le documentaire montre ensuite les évolutions dans un monde qui se transforme socialement, qui lutte à partir des années 80. Le documentaire explique alors comment on assiste à une désacralisation du mythe et comment, malgré tout, une forme de lien perdure, un affectif fort où se mêlent la nostalgie et la modernité.
PRÉSENTATION PAR MADELEINE CHAMPAGNE DU DOCUMENTAIRE « Le Paris des grandes brasseries »
C’est avec beaucoup de ferveur que Parisiens et touristes branchés, fréquenteront l’une ou l’autre de la vingtaine de brasseries de Paris qui sont considérées comme des emblèmes de l’art de vivre à la française.
La réalisatrice, Élise Joseph, a produit un documentaire fort inspirant intitulé le Paris des grandes Brasseries.
Lipp, La Coupole, Bofinger ou encore Julien… les grandes brasseries parisiennes attirent touristes et gourmets. Ces adresses courues, au prestige immense, sont des lieux emblématiques de Paris tant par la beauté des édifices que le caractère de leur cuisine traditionnelle.
Cette enquête met en avant la nouvelle génération de restaurateurs qui s’empare de la tradition pour la revisiter
Élise Joseph nous propose donc un voyage culinaire aussi alléchant qu’enchanteur, au cœur d’une tradition parisienne bien vivace. Fidèle à sa ligne éditoriale, cette enquête n’omet pas de pointer les mauvais élèves : des brasseries historiques abusant de leur décor pour facturer des plats banals à prix d’or. Je le recommande tout de go car le cœur et la raison émaillent ce documentaire et nous en sortons éblouis et bien informés.