Le commerce circulaire, une part déterminante du commerce de demain

Le commerce circulaire est une composante de l’économie circulaire. Son développement nécessite de s’y intéresser.

A l’origine : de l’occasion et de la seconde main

Chacun connait la Communauté Emmaüs, créée en 1954 par l’Abbé Pierre. Son but d’origine est de collecter des produits et de les donner ou de les vendre à très bas prix à des nécessiteux. Le produit acquiert ainsi une seconde vie. Des espaces de vente sont ouverts et depuis 2016 un site Internet est en ligne. Emmaüs n’est pas le seul à vendre des produits de seconde main. Les puces, les magasins de trocs et d’occasions ainsi que des magasins de « fripes » le font depuis bien des années, et plus récemment des vendeurs de vêtements au kilo sont de plus en plus nombreux.

Le vocabulaire change sans changer le fond

Depuis le début des années 2000, le vocabulaire a changé, le ‘paradigme’ a évolué mais l’idée est la même ! On parle de « cradle to cradle », d’économie du berceau au berceau, et, depuis 2009, on parle d’économie circulaire : passer d’une société du tout jetable à un modèle économique plus économe en allongeant la vie du produit.

Soyons honnête : si Emmaüs aidait les nécessiteux, aujourd’hui il s’agit de tenter d’assouvir la soif de consommation. Les prix du textile n’ont jamais été aussi bas, la tentation est forte de s’acheter un nouveau vêtement. Il en est de même dans l’ameublement, la chaussure, l’électronique, la bijouterie, la maroquinerie, etc. Consommer devient un jeu, une photo pour les amateurs d’Instagram : il ne serait pas raisonnable de porter le même vêtement sur deux photos… Les placards sont pleins et dans les déchèteries ou les poubelles, des produits sont jetés, encore dans leurs emballages d’origine, notamment en alimentaire… On estime que, « fast fashion » oblige, 40% d’un vestiaire n’est jamais porté !!!

Depuis 15 ans, un vrai commerce est créé

Dans les années 1990 on parlait d’« acheter malin ». Depuis une quinzaine d’années, c’est devenu une règle notamment grâce à la facilité offerte par le téléphone mobile. Leboncoin.fr, créé en 2006, et Vinted, créé en 2012, en sont les meilleurs symboles. Le second compte 16 millions de clients en France ! Revendre un produit est devenu un jeu d’enfant ! Donc soyez malin : ne jetez pas un produit qui vaut de l’argent, photographiez-le, vendez-le ! En son temps, PriceMinister, devenu Rakuten, s’était fait une spécialité d’être le revendeur des cadeaux de Noël dès le 26 décembre !

Depuis quelques années, le succès de ce type de site, notamment de Vinted a incité d’autres sites à copier la formule, sous différentes formes : vente en ligne, rayons dans des points des points de vente et demain des points de vente.

Vestiaire Collective, créé en 2009, devenu une licorne (valorisée plus d’un milliard d’euros) en 2021, vend du luxe en seconde main (3 millions d’articles proposés) et est devenu leader mondial de ce domaine. Kering en a pris 5% du capital. D’une manière générale, les produits de luxe sont revendus pour prolonger leur vie dans une logique d’économie circulaire mais sont aussi l’objet de vente de collectionneurs. L’économie circulaire fonctionne aussi dans l’industrie du luxe en recyclant les invendus textiles et les chutes de fabrication. Telle est la vocation de Weturn, créé en 2020, avec qui collabore LVMH pour compléter son engagement dans l’économie circulaire et qui plus est en fabricant des bobines de fil de qualité à partir de vêtements usagés. Il y a un effet économie circulaire qui réduit l’empreinte écologiques du produit.

La loi sur l’économie circulaire de 2020 est une forte incitation que le luxe utilise pour décarboner son industrie et rendre plus durable ses produits.

En textile et ailleurs

La revente de produits textile par les distributeurs se fait globalement selon deux logiques. Certains distributeurs ne revendent que leurs propres produits comme Cyrillus et Petit Bateau. Ce qui correspond à une image de qualité rassurante pour le consommateur. Certains distributeurs passent par des intermédiaires comme Patatam, créé en 2013, qui devrait passer à la commercialisation de 750.0000 produits par mois dans une quinzaine d’enseignes comme Carrefour, Casino, Système U, Auchan et le groupe Beaumanoir. Patatam collecte auprès de particuliers, trie et nettoie les vêtements. Dans ce cas, seul compte le produit puisque la marque du produit n’est pas associée au lieu de vente. L’allemand Momox (CA 2020 de 312M€) a pour deuxième marché la France pour son offre de vêtements d’occasion.

Dans d’autres domaines ce commerce circulaire prend une place considérable. Back Market, créé en 2014, devenu une licorne en 2021 avec 480 salariés, reconditionne des produits électroniques et notamment des téléphones. FNAC Darty a contribué à améliorer la réparabilité des produits bruns et blancs des industriels et propose à ses clients des produits d’occasion « comme neufs ». Dans un domaine plus éloigné, la voiture d’occasion, Emil Frey industrialise la rénovation de voitures d’occasion avec une capacité de 30.000 véhicules par an et en vise 150.000.

L’économie circulaire est une étape

La seconde main correspondait à un besoin social, aujourd’hui elle devient un acteur de la mode. De fait, le consommateur est passé à la « fast-fast-fashion ». La mode n’existe pour ainsi dire plus, ce qui compte, c’est porter sur soi un nouveau vêtement. Le « re-commerce » contribue à allonger la durée de vie des produits – le re-produit – en multipliant ses propriétaires successifs.

A condition que la nouvelle pièce soit fabriquée sur place et non à des milliers de km du lieu de consommation, en rappelant que l’industrie textile est l’une des industries les plus polluantes à chaque étape de sa fabrication et de son lavage.

En fait, cette si l’économie circulaire satisfait un aspect d’économie d’énergie et de carbone, elle ne contribue pas à faire baisser la consommation de produits ; paradoxalement, elle l’accélère. Seule une sorte de « taxe de recyclage » (dont l’appellation et le montant – suffisamment dissuasif – restent à déterminer), pourrait contribuer à faire baisser la consommation, donc la production de carbone et à lutter contre le dérèglement climatique. Nous sommes aujourd’hui dans un monde de services. Le produit a perdu toute valeur. Le commerce circulaire contribue à le rendre encore plus accessible, à prolonger sa durée de vie. S’il contribuait à diminuer notre faim de consommer, il ralentirait la production de carbone par l’Homme. Ce serait un premier pas pour lutter contre le dérèglement climatique. Un premier pas.

L’économie circulaire, le « re-commerce », n’est qu’une première étape de ce nouveau commerce. Autant en faire partie.

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