La crise sanitaire a engendré une évolution contrastée du commerce en ligne, le secteur des voyages ayant été particulièrement affecté par la situation. En revanche les produits de consommation et les achats en ligne auprès des enseignes de magasin ont bondi de 83% au deuxième trimestre 2020 selon la FEVAD. Face à ces fortes progressions pour les produits de grandes consommation (PGC), la mode, l’habillement, etc., le secteur de la vente à distance se trouve confronté, de façon presque paradoxale, à une difficulté très préjudiciable à la santé de son activité : la livraison.
L’acheminement des biens jusqu’au domicile de l’acheteur connait en effet « quelques » difficultés. Les acteurs du secteur, La Poste en particulier, parlent de ce dernier kilomètre à parcourir par le colis, celui qui amènera le bien jusqu’au domicile, comme étant celui qui rencontre le plus grand nombre de dysfonctionnements, au point que des médias ont titré récemment sur « La livraison, la grande pagaille » (Le Parisien, TF1…). Parmi les problèmes rencontrés on peut citer le cas des livreurs en ville qui ne se donnent plus la peine de monter dans les étages, l’exigence du livreur pour que la personne descende chercher le colis au rez-de-chaussée, les colis encombrants et lourds déposés dans le hall d’immeuble sans prévenir le destinataire, à la campagne les colis jetés par-dessus le mur du jardin, les destinataires prétendument absents, auxquels « on » affirme avoir téléphoné, le remplissage du bon de retrait en bureau de poste mentionnant des horaires de passage incohérents ou omettant de mentionner quoi que ce soit, les avis de passage devenus pour partie virtuels, reçus sur Internet, et faisant douter du fait que « quelqu’un » se soit effectivement présenté.
Pour ce qui concerne les milieux urbains, les immeubles sont de moins en moins souvent dotés de gardiens, sachant que ceux-ci n’ont en général et contractuellement pas pour mission de s’occuper des colis, ce qu’ignorent d’ailleurs la plupart des livreurs et des occupants. En secteur rural comme urbain les boîtes aux lettres ne permettent en général que d’accueillir les plus petits colis mais encore faut-il que le livreur dispose d’un passe pour les ouvrir.
Les conséquences de ces dysfonctionnements sont alors multiples : risque de perte de chiffre d’affaires, les clients ne commandant plus, dévalorisation de l’image de la marque ou de l’enseigne jugée responsable par les clients qui logiquement se moquent de savoir si le tort incombe à la marque ou au prestataire de livraison.
La Poste dit réfléchir aux moyens permettant de réduire quasiment à néant ces problèmes, mais la Poste n’est pas le seul intervenant pour les livraisons.
Il est vrai que les entreprises ont peut-être trop souvent tendance à pratiquer le principe de la gratuité (mais il semblerait que les livraisons payantes n’empêchent pas les problèmes). Avec des livreurs apparemment peu contrôlés et qui doivent effectuer des tournées de plus en plus longues, il ne faut pas s’étonner d’une telle dégradation du service. Les entreprises recourant au commerce en ligne ou ne vivant que de lui, doivent considérer que la livraison fait partie intégrante de leur offre, de leur produit et qu’apporter un grand soin aux matières premières, à la fabrication, au site lui-même, à son ergonomie, pour tout gâcher en raison de livraisons défectueuses n’a aucun sens.
Zysla Belliat est dirigeante chez MMZ Conseil. Ancien professeur Associé à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas. Elle est Présidente d’honneur de l’IREP et membre du Comité Scientifique du CESP. Membre du CEP.