Coronavirus et plan de relance pour le commerce de proximité

Des commerces qui ferment, des communes qui se dépeuplent et s’appauvrissent, les centres villes et centres bourgs connaissent depuis plusieurs années une dévitalisation. Une enquête réalisée tous les ans depuis 2016 par l’institut CSA révèle que, face aux offensives constantes des géants de la distribution, la vitalité des centres-villes constitue un sujet d’inquiétude partagé.

La situation est d’autant plus préoccupante que la désertification commerciale des centres-villes est doublement néfaste : les petits commerces de centre-ville sont nécessaires aux catégories de population ne disposant pas de moyens de locomotion et ils ont un impact très fort sur le potentiel résidentiel et touristique des centres anciens.

Avec le confinement, résultant de la crise sanitaire, la situation s’est aggravée et les commerçants du secteur non alimentaire sont exsangues et au bord du dépôt de bilan. Face à cette situation, le gouvernement a mis en place des mesures de soutien qui devraient être suivies d’un plan de relance.

Après avoir énoncé les différents dispositifs d’aides mis en place pour le commerce de ville afin de faire face aux conséquences de la crise sanitaire, nous proposons d’en examiner les chances de succès.

Un plan de relance prévu par le gouvernement pour le commerce de proximité

Le plan de relance en faveur du commerce de proximité, de l’artisanat et des indépendants a pour objectif non seulement d’accompagner ces différents professionnels durant la phase de reprise après la crise du coronavirus mais également d’anticiper les mutations structurelles en cours.

La prise de conscience des difficultés du commerce de centre-ville avant la crise sanitaire

La prise de conscience par le gouvernement des difficultés du commerce de centre-ville est antérieure à la crise sanitaire de la Covid-19. Ainsi, pour lutter contre la désertification commerciale et redynamiser les centres-villes, un groupe de travail du Sénat avait travaillé pendant neuf mois pour aboutir à la proposition de loi portant Pacte national pour la revitalisation des centres villes et centres-bourgs. Dans la nuit du 14 juin 2018, le Sénat français avait adopté ce projet de loi. Ce texte “visait à en finir avec la culture de la périphérie et à réguler le commerce électronique“. Il prévoyait notamment : la réduction de la fiscalité en centre-ville pesant sur le commerce et l’artisanat, la modernisation du commerce de détail qui passe par la professionnalisation, la formation, la mise à profit de l’évolution vers le commerce électronique et l’adoption d’un nouveau système de régulation des implantations de grandes surfaces. Sur ce dernier point, Emmanuel Macron s’est dit prêt à « instaurer un moratoire » sur les zones commerciales en périphérie des villes. Devant les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat réunis à l’Elysée le 29 juin 2020, le Président de la République a également déclaré que les Français « ne veulent plus de nouvelles grandes surfaces en périphérie » mais « des commerces de centre-ville et d’échanges humains au plus proche ».

Aggravation de la situation du commerce de ville en raison du confinement sanitaire

Avec le confinement, les commerçants de proximité, les artisans et les indépendants ont été très durement touchés. De nombreux commerçants ont été obligés de fermer leur boutique comme par exemple les salons de coiffure et les commerces non alimentaires.

Le gouvernement a alors pris des mesures d’accompagnement pour aider le commerce de proximité à affronter le confinement. Leurs charges ont été annulés au cours de la période de confinement. Par ailleurs, les petits commerçants ont eu accès à un fonds de solidarité, permettant de bénéficier d’une aide financière de l’Etat et de la région, pour remédier à la perte du chiffre d’affaires. De ce fait, les commerçants de proximité, les artisans et les indépendants ont pu bénéficier de 4,8 milliards d’euros au titre du fonds de solidarité (740 millions pour le commerce), de 42 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) dont le secteur du commerce a été le premier bénéficiaire, de 3,4 milliards d’euros de report de charges fiscales et sociales. En outre, 4 millions de salariés d’entreprises de moins de 20 salariés ont profité du dispositif de chômage partiel, dont près de la moitié dans le secteur du commerce.

Le plan de soutien post-confinement pour relancer le commerce de ville

Avec le déconfinement, une reprise se fait jour. Pendant cette période de reprise progressive de l’activité, le ministre de l’Economie et des Finances et la secrétaire d’Etat auprès de ce dernier ont présenté le lundi 29 juin 2020 un plan de soutien au commerce de proximité, à l’artisanat et aux indépendants dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3) pour 2020. Le gouvernement envisage notamment de poursuivre son action consistant à redynamiser le commerce de proximité. A cet égard, plusieurs mesures sont proposées dont la création de sociétés foncières ainsi que la mise en place d’aides financières pour accompagner les commerçants vers la transition numérique. La mise en place de sociétés financières devrait leur permettre de racheter des locaux vacants ou des commerces situés en centre-ville, de les rénover et de les louer à un tarif préférentiel à des commerçants cherchant un local. L’objectif porte sur 6 000 commerces sur cinq ans en centre-ville. Concernant les aides pour la numérisation des petits commerçants, il s’agit de donner la possibilité à ces derniers de s’adapter aux nouveaux modes de consommation et à la concurrence des plateformes de commerce en ligne.

Quelles sont les chances de succès de ce plan de relance proposé fin juin 2020 ?

Dans le cadre de ce plan de relance, le gouvernement va-t-il pouvoir contribuer à redynamiser le commerce de proximité notamment dans les territoires les plus fragiles ? Les écueils sont nombreux.

Le commerce de proximité et l’hyper-domination des géants du numérique

L’hyper-domination des géants du numérique comme Amazon a rendu de nombreux secteurs vulnérables. La crise de la Covid-19 a confirmé cette tendance. D’aucuns ont observé une explosion du trafic internet pour les enseignes de la grande distribution. Pour la première fois, on a assisté à des pics de requêtes sur Google concernant les grands distributeurs comme Edouard Leclerc et Amazon. En outre, la vitalité urbaine des centres-bourgs est aujourd’hui fragilisée par la création de nouveaux pôles commerciaux à leur périphérie ainsi que par le transfert de commerces existants en cœur de ville vers la périphérie. Enfin, le commerce traditionnel se heurte non seulement à des problèmes de coûts d’infrastructure élevés, à des abus de position dominante, à des barrières réglementaires mais aussi à des problèmes d’équité fiscale.

Le commerce de proximité et l’accroissement du commerce électronique

Le commerce traditionnel fait face à l’accroissement du commerce électronique qui représente 8 à 10% du commerce global. Or, 50% des commerçants ne sont pas présents sur internet. William Koeberlé du Conseil du Commerce de France (CdCF) a estimé “qu’un commerçant qui n’est pas présent en ligne, perd 60 % d’un trafic potentiel”.

Des pistes cyclables ou des voitures pour faire revivre les centres-villes ?

Les maires de la mouvance socio-écologiste se sont fixés comme objectif d’accroître les pistes cyclables. Cette démarche se traduisant par des difficultés pour se garer en centre-ville a pour conséquence la désertification des centres-villes par les habitants de la périphérie et partant la fermeture des commerces de proximité. Récemment, le maire de la ville de Grenoble a évoqué les problèmes liés au développement du vélo en ville. Des études menées en France ont montré que le panier moyen des piétons et cyclistes est plus faible que celui des automobilistes. Aurélie Duboudin du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) Ouest proclame que « l’on ne peut pas vouloir soutenir les commerces et l’attractivité du centre-ville si, en parallèle, on développe des zones périphériques commerciales destinées à la voiture ».

Désertion des classes moyennes des centres-villes et difficultés des commerçants

La relégation des classes moyennes en zones périurbaines eu égard entre autres au coût du logement notamment à Paris, pèse lourdement sur la vitalité des centres-villes et va à l’encontre d’une politique visant à redynamiser l’activité des commerces de proximité. De nombreux commerçants baissent le rideau et ne trouvent pas de repreneurs. Rappelons que pour bien fonctionner, une ville doit s’appuyer sur une consommation et un investissement forts. A cet égard et pendant des décennies, les classes moyennes ont été à l’origine entre autres de commerces florissants. Elles ont joué un rôle économique et social déterminant puisqu’elles représentent un moteur de croissance.

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