Le métavers pourrait engendrer, selon Marc Zuckerberg, « des centaines de millions de dollars » pour le commerce électronique dans les dix ans à venir. D’où son nouvel objectif de faire de Meta (nouveau nom donnée à Facebook[1]) une société incontournable du métavers d’ici à 2026. Ce nouveau monde virtuel, encore inconnu du grand public il y a quelques mois, est perçu comme une révolution qui va changer considérablement le commerce électronique.
Lors du NRF[2] 2022 Retail Big Show qui s’est tenu à New York du 16 au 18 janvier 2022, un des sujets les plus brulants évoqués dans de nombreuses sessions fut le métavers.
Le concept de métavers
« Le métavers est le prochain chapitre d’Internet »
Marc Zuckerberg
Métavers (« metaverse » en anglais), contraction de « méta » et « d’univers », décrit un réseau d’environnement en 3D, proposant une expérience immersive grâce aux technologies de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. Neal Stephenson, l’inventeur de cette notion dans son roman « Snow crash » (« Le samouraï virtuel »), définit cette notion comme « un énorme monde virtuel, parallèle au monde physique, dans lequel les utilisateurs interagissent via des avatars numériques ». Par le biais d’un avatar, le métavers donne non seulement accès à de nombreux divertissements (jeux, concerts, achats, etc.) mais il permet également d’acheter des terres.
Dans ce réseau virtuel, les échanges marchands s’effectuent en cryptoactifs. Chaque métavers a son propre cryptoactif : le Mana pour la plateforme de réalité virtuelle Decentraland, le Sand pour l’entreprise Sandbox. Par ailleurs, les achats virtuels sont représentés par des jetons non fongibles (« Non-Fungible Token/NFTs »), qui « sont des certificats d’authenticité permettant d’associer un actif non fongible à un jeton numérique » (Maître Alain Bensoussan). Pour Alexandre Diehl, avocat au cabinet Lawint, « on achète un code-barres, un numéro d’identification unique, auquel sont associés des droits. C’est ce code qui est enregistré sur la blockchain ».
« Second life » (« seconde vie ») est le pionnier de métavers. Cette toute première version de métavers, créée par la société Linden Lab en 2003, a emporté un vif succès (apogée en 2007 avec 2,7 millions d’utilisateurs et un PIB d’environ 650 millions de dollars). Il s’agissait d’un jeu vidéo virtuel dans lequel, après avoir créé leur avatar numérique, les utilisateurs pouvaient se rencontrer, se marier, assister à des concerts, effectuer des achats ou des ventes, etc. Des recherches menées en 2010 par deux professeurs de marketing à ESCP Business School, Andreas Kaplan et Michael Haenlein, révèlent que les utilisateurs de « Second Life » dénommés « résidents » considèrent cet univers virtuel non pas comme un simple jeu mais comme une extension de leur vie réelle.
De nombreuses enseignes misent ou ont déjà misé sur cet environnement virtuel nouveau que constitue le métavers.
Les attraits du métavers pour le commerce en ligne : un espace lucratif
Les opportunités qu’offre métavers sont multiples : évènements virtuels, amélioration de la relation client, partenariats, placements de produits, shopping virtuel, lancement de collections de mode virtuelles, meilleure visibilité auprès du public, …
Concernant l’amélioration de la relation client par exemple, les principaux enjeux du métavers sont les suivants : fidélisation de la clientèle, gamification du parcours client, personnalisation de l’expérience client, transformation de la relation client : dans ce monde virtuel numérique, les consommateurs deviennent des consom’acteurs.
Pour ce qui est du shopping virtuel, la plateforme de commerce électronique expérientiel Obsess a publié en janvier 2022 une étude intitulée « Metaverse Mindset : Consumer Shopping Insights ». Cette étude avait pour objectif : 1) de mesurer l’intérêt pour les marques de créer des boutiques virtuelles immersives sur leurs propres sites et sur les plateformes métavers ; 2) d’évaluer les perceptions et la demande des consommateurs quant aux expériences d’achat virtuel dans le métavers. Cette étude révèle qu’environ 75% des acheteurs de la génération Z ont acheté un article virtuel dans un jeu vidéo et que 60% pensent que les marques devraient vendre leurs produits sur des plateformes métavers. Par ailleurs, il ressort de l’enquête que 70% des consommateurs ayant visité une boutique virtuelle ont effectué un achat.
De plus en plus de marques sont attirées par le métavers, dont les marques de luxe qui sont les plus en pointe dans l’exploration des opportunités ouvertes par le métavers. Ces dernières gagnent déjà des millions dans ce nouvel univers virtuel. Leurs marges de profit sont énormes et elles n’ont pas de surstocks. D’après une étude du cabinet Morgan Stanley, les opérations relatives au métavers pourraient représenter 10% du marché des produits de luxe à l’horizon 2030.
Quelques exemples d’utilisation du métavers dans le domaine du commerce électronique :
- Dans le secteur du luxe, Louis Vuitton a lancé le 4 août 2021 son jeu mobile Louis The Game qui inclue 30 NFTs. En août 2021, Burberry, en partenariat avec Mythical Games, a vendu sa propre collection de jetons non fongibles dans le jeu de société multijoueur Blankos Block Party.
- Parmi les géants du numérique, Meta (anciennement Facebook) a déjà mis en ligne Horizon Worlds, un premier aperçu de son futur univers numérique. Walmart, le géant du commerce de détail, se prépare à intégrer le monde du métavers avec les projets de créer son propre cryptoactif et sa propre collection de jetons non fongibles.
- Le géant français de la distribution Carrefour a annoncé en février 2022 avoir acheté une parcelle du jeu vidéo The Sandbox pour être à l’avant-garde du commerce électronique dans le métavers.
Les limites du métavers
Quid de l’aggravation des problèmes actuels liés aux médias sociaux et à Internet en général avec l’apparition de ce nouveau monde virtuel immersif ? Outre les risques purement politiques et juridiques, le métavers est la cause de nombreux sujets de préoccupations.
Les dangers évoqués sont les suivants : le risque de « maladie de la réalité virtuelle », la suppression de toute frontière entre réalité et virtuel, les enjeux liés à une très large collecte de données.
En résumé, l’adoption à grande échelle du métavers rencontre des problèmes de règlementation, de gouvernance, de régulation, de confidentialité et d’anonymat des échanges, de mode de preuve, … Ces défis juridiques majeurs exigent impérativement l’encadrement de cette nouvelle technologie.
[1] L’entreprise Facebook s’appelle Meta mais le réseau social s’appelle toujours Facebook. Meta est le nom donné à la structure qui regroupe Facebook, WhatsApp et Instagram.
[2] NRF : National Retail Federation