On pourrait penser que les cryptomonnaies ne concernent pas directement les managers dans leur activité commerciale et qu’elles restent l’affaire de « forts en thèmes technologiques », voire d’investisseurs libertaires ayant le goût du risque ou même de quelques grands investisseurs.
Or, cette approche, même si elle est en partie justifiée, reste très superficielle car comme nous l’avons observé, et analysé, dans nos six étapes précédentes (1 à 6) et documenté en croisant de nombreuses sources, les cryptomonnaies sont un phénomène mondial qui touche toutes les activités, dont le commerce en particulier, et ce dans tous les pays et à tous les niveaux.
« Tout est une question d’état d’esprit »
Paul Valéry
En effet, les cryptomonnaies, ou plutôt les supramonnaies, comme nous avons proposé de les qualifier[1], parce qu’elles sont au-dessus des monnaies, sont partie intégrante de l’action commerciale. Elles constituent un instrument de paiement et de réserve (risquée certes, mais qui a fait ses preuves depuis près de vingt ans).
Les grands prestataires de règlement (Visa, PayPal) ou les groupes de distribution (Casino) qui les acceptent directement ou indirectement en apportent la preuve.
Toutefois, le terme supramonnaies recouvre un univers polymorphe, ou, à côté du grand leader, le Bitcoin[2], de nombreux stablecoins dont le leader Diem (ex Libra de Facebook) et quelque deux mille autres supramonnaies sont présents sur toute la planète.
Donc, « les instruments de paiement étant une partie intégrante du commerce et les supramonnaies étant des instruments de paiement, les supramonnaies sont des parties intégrantes du commerce »[3].
Et, de ce fait, les managers commerciaux ne peuvent les ignorer en tant que source d’inspiration dans leur recherche d’innovation commerciale et managériale.
De plus, le nombre et la diversité des supramonnaies constituent une plateforme de dépassement de la monopensée formelle, qui, quelquefois, enserre et limite l’imagination et donc l’esprit d’innovation des managers.
En effet, nous sommes tous victimes de nos « actions managériales réussies », et nous sommes enclins, bien naturellement, à employer la même démarche, en pensant réussir à nouveau, alors que l’environnement global et les conditions spécifiques ont changé.
C’est pourquoi, face au changement[4]
Paul Valéry
« Tout est une question d’état d’esprit »
Ainsi, si l’on devait qualifier très schématiquement, ce qui a créé le phénomène des supramonnaies on pourrait parler « d’esprit disruptif » ou de disruption.
Qu’entendre par esprit disruptif ?
Disruptif est lié à disruption[5] qui se distingue de rupture.
En effet, la rupture désigne le fait de rompre, ou de se rompre en deux ou plusieurs parties, mais sans que cela implique des conséquences spécifiques ou entraîne une modification quelconque des constituants.
Par contre, la disruption désigne une brusque rupture, une fracture et dans le cas de l’électricité, « une décharge disruptive produit une étincelle qui dissipe une grande partie de l’énergie accumulée », en fait une modification profonde de l’ensemble initial.
Sur ce point, on notera que disruption en anglo-américain a le sens de « perturbation » ou de « bouleversement ».
Ainsi, on peut apprécier la disruption, comme une profonde remise en cause qui perturbe l’ordre établi, tout en créant une nouvelle énergie pour de nouvelles innovations.
L’innovation de rupture (disruptive innovation) Les travaux de Clayton Christensen portant sur la notion d’innovation de rupture (disruptive innovation) ont marqué les recherches en management de l’innovation à travers notamment deux ouvrages déterminants : The Innovator’s dilemma (1997) et The Innovator’s solution (2003) coécrits avec Michael Raynor. Dans son second ouvrage, Christensen reformule sa théorie de la rupture en termes de conflit de modèles d’affaires : l’innovation de rupture nécessite un modèle d’affaires différent du modèle dominant de l’entreprise. https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/clayton-christensen-mort-dun-geant-du-management-1167931 |
Toutefois, une réussite disruptivene perturbe pas seulement les modèles d’affaires des entreprises du secteur concerné, mais elle perturbe aussi les médias. En effet, ceux-ci, rechignant à reconnaître la disruption et ses résultats, usent de clichés communs et démagogiques pour éluder leur manque d’objectivité, ou leur incompétence.
Un « Milliardaire fantasque » ?
« Le fantasque milliardaire américain est devenu le 7 janvier l’homme le plus riche de la planète » Raphaël Blochpublié le 07/01/2021 à 18:30,
« Portrait du milliardaire fantasque » TFI Le JD 7 février 2018
https://www.facebook.com/TF1leJT/posts/portrait-du-milliardaire-fantasque-elon-musk/590043981335583/
« Les 6 projets fous d’un milliardaires fantasque »
Marine-Sophie Brudon 12 octobre 2018
https://objetconnecte.net/projets-fous-elon-musk/amp/
« Le fantasque milliardaire américain est devenu ce jeudi l’homme le plus riche du monde »
Thomas Leroy07/01/2021
Oui, vous l’avez compris, dans notre beau pays à l’esprit cartésien, et où on n’apprécie pas toujours les réussites rapides commerciales, américaines en particulier, certains commentateurs médiatiques cherchent à dévaloriser (discréditer ?) un homme hors du commun, en le qualifiant de « fantasque » soit « capricieux, changeant, fantaisiste, lunatique… »[6]
Et qui plus est « milliardaire », comme s’il s’agissait d’un état, alors qu’il s’agit de la conséquence de la personnalité, des capacités et du travail acharné d’un ingénieur né en 1971 en Afrique du Sud, venu sans patrimoine, et naturalisé canadien en 1988 puis américain en 2002.
En effet, sa réussite est le fruit, entre autres traits de caractère rares, d’un esprit disruptif, de PayPal aux bitcoins, à Tesla, et SpaceX et d’une capacité de travail sans limite.
Force que ces plumitifs[7] ou beaux parleurs (et parleuses) médiatiques contemporains/es, ignorent ou se gardent bien de préciser.
On soulignera également que les idées disruptives d’Elmon Musk ont déstabilisé certains dirigeants traditionnels, comme tel directeur d’Ariane Group qui prétendait que les atterrissages verticaux étaient impossibles…
De plus, sa réussite est aussi fondée sur l’art qu’il a d’obtenir le maximum de ses collaborateurs avec son approche disruptive, bien loin du manager « normal ».
« Là où un manager normal[8] fixerait lui-même une date butoir, Elmon Musk pousse ses ingénieurs à s’approprier leurs dates de livraison. »
Il ne dit pas : « Tu as jusqu’à vendredi 14h pour faire ça » Il dit « J’ai besoin que l’impossible soit fait pour vendredi 14h. Peux-tu le faire ? »
Une fois que vous avez dit oui, ce n’est pas parce qu’il vous a dit de le faire que vous travaillez dur. Vous travaillez dur pour vous-même. La différence est sensible. Vous avez signé. »
« Il change les règles du jeu. Il porte l’innovation à des niveaux rarement atteints ».
Source Ashlee Vance, auteur de Elon Musk Tesla, PayPal, Space X, l’entrepreneur qui va changer le monde.
Eyrolles 2018, édition enrichie du best-seller.
« Ce livre est un véritable univers non pas pour comprendre avec notre raison, mais pour ressentir avec notre sensibilité ce qu’est, et ce que peut permettre, un esprit disruptif hors du commun ».
« Plus rapide et moins cher » Depuis plusieurs années, PayPal, Apple Pay, Google Pay, Amazon Pay et aujourd’hui Diem de Facebook permettent de régler des achats sans utiliser de cartes bancaires. Or, « ces modes de paiement électronique, plus rapides et moins chers que les cartes bancaires, risquent à terme de marginaliser les banques traditionnelles » selon l’Autorité de la concurrence.[9] Sunday Deux entrepreneurs français, Tigrane Seydoux et Victor Lugger, fondateurs du concept innovateur Big Mamma, associés avec Christine de Wendel, ont levé 20 millions d’euros auprès d’investisseurs pour développer Sunday, une solution de paiement par QR Code. Sunday « conçue par des restaurateurs pour des restaurateurs « permet de payer son addition au restaurant « en moins de 10 secondes » via un QR code. « Coût pour le restaurateur 0.50 % de l’addition soit deux à trois fois moins cher »[10]. Quelque 80 personnes ont été recrutées en mai 2021 pour déployer ce service qui sera disponible dans des milliers de restaurants dont ceux du groupe Bertrand, le numéro deux du secteur en France. Analyse marketing d’une innovation disruptive On remarquera que Sunday est une innovation financière disruptive, créée par des restaurateurs eux-mêmes pour répondre aux attentes de leurs clients consommateurs : « Plus rapide et moins cher ». Ce nouveau service ne constitue pas pour eux une source de rentabilité en soi, mais accroît la rentabilité globale de leur restaurant en augmentant le taux de rotation des tables. (Leur ratio clé). Par comparaison, pour des banques traditionnelles, pour lesquelles les règlements sont un service, certes, mais aussi et surtout l’une de leurs sources de profit nécessaires à leur existence même, leur taux de facturation est vital. « La différence est sensible » Comme pourrait dire Clayton Christensen, avec son euphémisme élégant. (Voir ci-dessus) |
De la cryptomonnaie Dogecoin à la lune « Les bases du commerce interplanétaire »
La « Mission DOGE-1 vers la Lune », prévue par Space X en 2022, sera « la toute première charge utile lunaire commerciale de l’histoire payée entièrement avec le Dogecoin[11] » déclare Geometric Energy Corporation, concepteur du satellite.
Ce que confirme Tom Ochinero, vice-président des ventes commerciales pour SpaceX. « La mission va démontrer l’application des cryptomonnaies au-delà de l’orbite terrestre et jettera les bases du commerce interplanétaire. »[12]
Geometric Energy Corporation, basée au Canada, opère dans les domaines l’énergie, l’espace, les logiciels et la médecine.
https://www.geometricenergy.ca/
« La richesse culturelle et technologique des équipes de GEC explique son partenariat avec SpaceX. J’invite le lecteur et la lectrice à lire en détail les profils de ses 25 collaborateurs/trices et conseillers, qui nous plongent dans un univers d’interactions culturelles, technologiques et… commerciales d’un niveau rare. J’envisage d’ailleurs d’en faire une analyse de stratégie disruptive d’entreprise. »
Jacques Dioux
Les NFT, une innovation disruptive dans l’art et le commerce de l’art
De même que les cryptomonnaies sont devenues incontournables (voir séquences 1 à 6), le crypto-art et les NFT, nés également d’une approche disruptive sont aujourd’hui en pleine croissance.
Plaignons les négationnistes, et autres détracteurs de l’art contemporain, prétendant que celui-ci n’existe pas, alors qu’il est bien physique (sauf les œuvres des vidéastes.) Et qu’ils peuvent au moins le toucher.
Pour avoir une idée de l’inanité de leurs arguments, on pourra consulter l’analyse d‘un petit pamphlet négationniste dans « L’art contemporain, pour l’innovation [13] ».
Avec les NFT, les voilà aujourd’hui confrontés à un nouvel ectoplasme qui, lui, ne peut même pas être touché !
Souhaitons leur bonne chance et bon vent de disruption !
Les « Non fungible tokens » (NFT), « jetons non fongibles », sont des éléments cryptographiques et virtuels sur la blockchain avec des codes d’identification uniques et des métadonnées (auteur, signature, date, type…) qui les distinguent les uns des autres.
Concrètement (si l’on peut dire ?), on crée un œuvre sous forme d’une image numérique originale, puis après l’avoir conservée sous forme de fichier, on la détruit.
Cette nouvelle œuvre est donc unique et infalsifiable, et c’est son unicité qui, avant sa valeur artistique toujours sujette à polémique, en fait la valeur financière intrinsèque.
Ainsi, le 19 avril 2021, le record de vente, 69 300 000 $, pour une œuvre numérique, a été réalisé par la maison d’enchères Christie’s pour l’œuvre numérique Everydays : the First 5 000 Days de l’artiste américain Beeple. L’œuvre représente une mosaïque de dessins et d’animations conçues au quotidien pendant 5 000 jours d’affilée.
Et maintenant à nous de conclure
Les quelques exemples ci-dessus, du simple règlement rapide de l’addition de la pizza à la haute sophistication du commerce interplanétaire, montrent que les cryptomonnaies et l’approche disruptive qui les a engendrées, ouvrent des possibilités sans limite, aux managers et en particulier dans leurs innovations commerciales.
Saurons-nous, nous aussi, être disruptifs,
et sortir de notre management « normal » pour innover avec succès dans,
et en dehors, de notre domaine commercial ?
[1] Voir étape 5 et 6.
[2] Voir étape 1.
4 Le syllogisme peut être utile dans la pratique et dans l’efficacité du management
[4] Voir la parole de Bouddha en exergue de la 3e étape
[5] l Buffon 1749. (Le Grand Robert)
[6] Source Le Grand Robert
[7] Plumitif : » mauvais auteur, mauvais écrivain, par extension, bureaucrate, gratte-papier. Source Le Grand Robert
[8] On remarquera le qualificatif « normal », effectivement Elmon Musk n’est pas un manager « normal » au sens de « conforme à la norme »
[9] Source Fig Éco 29 04 21
[10] La rémunération de la banque pour une transaction par carte bancaire varie de 0,4 à 2% du montant à la charge du commerçant. https://www.capitaine-banque.com/actualite-banque/cotisation-de-carte-bancaire/
Le lecteur et la lectrice, au fait des ratios de rentabilité nette de la restauration, en tireront les conclusions.
[11] La cryptomonnaie Dogecoin n’a pas de masse monétaire maximale (contrairement au Bitcoin voir Étape1) : à chaque création d’un nouveau bloc (toutes les minutes), 10.000 DOGE sont distribués au mineur.
[12] https://www.lefigaro.fr/sciences/spacex-va-lancer-une-mission-lunaire-payee-en-dogecoin-20210510
[13] Art contemporain pour l’innovation de Jacques Dioux Éditions L’Art-Dit 2020, page 51 : « en 5 pages plus de 25 affirmations négatives, c’est de l’anti-art, du non-art, c’est une imposture, les soi-disant artistes contemporains etc.
Articles liés :
CPA HEC EMBA
Membre de l’Académie des Sciences Commerciales, Expert distribution. Membre de la Société des Amis de la Fondation Maeght depuis 40 ans.
Past Conseil en commercialisation et développement (France, Belgique, Suisse, Québec).
Grand Prix de l’Innovation Merchandising 1991. Archives professionnelles « Jacques Dioux Conseil » déposées aux Archives Nationales du Monde du Travail – Roubaix.