Secteur hôtelier : quelle stratégie pour faire face à la concurrence grandissante d’Airbnb ?

Avec le développement des plateformes en ligne, l’entreprise collaborative Airbnb a connu une croissance mondiale significative. Chef de file dans la location de vacances entre particuliers, elle a lancé en mai 2025 des services à domicile, accessibles directement via son application. Cette nouvelle stratégie combattive et la montée en puissance d’Airbnb provoque la colère du secteur hôtelier qui parle de concurrence déloyale. Pour rester dans la course, l’hôtellerie, déjà fragilisé, doit se réinventer.

Avec le développement du numérique, l’hébergement marchand a été bouleversé. La chambre de Commerce et d’Industrie de Paris Ile-de-France (CCI Paris IDF) définit l’hébergement marchand comme « un hébergement donnant lieu à une rémunération de la prestation qui lie le loueur et l’hébergeur ». La CCI Paris IDF englobe dans ce secteur cinq catégories : les hôtels, les hôtels-clubs, les résidences de tourisme, les campings et, depuis les années 2010 avec la naissance de l’économie collaborative, le logement de particuliers proposé à la location.

Le mardi 13 mai 2025, Airbnb (Airbed and breakfast), chef de file dans la location de vacances entre particuliers, a annoncé le lancement de nouveaux services à domicile, accessibles via son application entièrement repensée. Ces services peuvent être par exemple une réservation pour un massage, un brushing, un soin de visage, des services d’un chef privé ou d’un traiteur privé pour la préparation des repas,… Ils seront proposés dans 260 villes à travers le monde et ne seront pas réservés aux seuls vacanciers. Il sera possible en effet de bénéficier de ces prestations grâce à l’application Airbnb et ce, sans l’obligation de réserver un logement.

L’objectif de cette multinationale américaine fondée en 2008 est d’instaurer dans le quotidien des usagers les standards de confort qui sont proposés dans l’hôtellerie. Lors d’une conférence en Californie, Brian Chesky, cofondateur et PDG d’Airbnb, a déclaré : Les hôtels ont quelque chose que nous n’avons pas : les services. Vous pouvez commander des repas dans votre chambre, vous faire masser, aller au spa… Nous voulons apporter la même chose dans nos logements ».

A cet égard, afin de garantir la qualité et l’authenticité de ces nouveaux services, Airbnb affiche sa volonté de sélectionner les prestataires en fonction notamment de leur expérience et de leur renommée au niveau local.

Avec un chiffre d’affaires de 3,4 milliards de dollars en 2020, Airbnb s’est imposé comme le plus grand service d’hébergement entre particuliers. Grâce à sa montée en gamme, Airbnb ambitionne d’accueillir un milliard de voyageurs par an en 2028.

Ce nouvel acteur qui fragilise le secteur hôtelier, est un concurrent redoutable. Dès lors, pour rester dans la concurrence, les hôteliers doivent repenser leurs stratégies mercatique (marketing).

Economie collaborative et Airbnb

L’avènement des technologies de l’information (TIC) a donné à l’économie collaborative une nouvelle dimension.

Pour la Commission européenne, le concept « économie collaborative » « désigne des modèles économiques où des plateformes collaboratives qui créent un marché ouvert pour l’utilisation temporaire de biens et de services souvent produits ou fournis par des personnes privées facilitent des activités ». Le modèle le plus connu de l’économie collaborative est le modèle pair à pair (peer-to-peer) qui permet à des particuliers d’engendrer des revenus en utilisant leurs biens existants, sans intermédiaire traditionnel. C’est une plateforme qui joue le rôle d’intermédiaire entre les particuliers. Dans son ouvrage « Plateformes. Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux… Comment ils influencent nos choix » (2016), le professeur Christophe Benavent, spécialiste des sciences de gestion, explique que les plateformes numériques définissent « des modèles plus agiles, au déploiement rapide et économe en investissements ». L’auteur parle d’innovation créative, expression proche du concept de destruction créatrice forgé par l’économiste Joseph Schumpeter.

De nombreux secteurs ont désormais recours à ce type de modèle d’économie collaborative qui bouleverse les modèles traditionnels. Ainsi, depuis une vingtaine d’années, de nombreuses entreprises collaboratives ont vu le jour, en particulier dans les secteurs liés au tourisme – secteur de l’hébergement – pour répondre à une demande croissante.

Dans le secteur du tourisme, l’entreprise collaborative la plus célèbre et la plus utilisée est Airbnb. Il s’agit d’une plateforme de location d’hébergement à vocation internationale, qui offre aux utilisateurs une alternative à l’hébergement hôtelier traditionnel en leur donnant la possibilité de louer un logement auprès de personnes désirant partager leur logement.

D’après les chiffres de Statista, en 2024, Airbnb a enregistré plus de 492 millions de nuitées et d’expériences réservées. Son chiffre d’affaires mondial a augmenté d’environ 10 % par rapport à l’année précédente.

Le modèle d’Airbnb est en concurrence directe avec l’hébergement marchand traditionnel.

Depuis des années, les hôteliers subissent de plein fouet la concurrence d’Airbnb

Lors d’un Forum européen du tourisme en 2016, l’Association d’entreprises représentant l’hôtellerie, la restauration, les cafés et les autres établissements similaires en Europe (HOTREC) a évalué que dans le secteur de l’hébergement, l’économie collaborative était deux fois plus importante que l’économie de l’hôtellerie traditionnelle en Europe. Dès lors, les hôteliers, acteurs de l’économie dite traditionnelle, accusent Airbnb de pratiquer une concurrence déloyale et de transgresser une multitude de règlementations.

Le concept de « concurrence déloyale » dont il est fait état dans le code de commerce et le code de la consommation émane de l’article 2 de la loi de finances n° 63-628 du 2 juillet 1963 qui dispose : « Ensemble des pratiques commerciales contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux acteurs concurrents ».

Depuis la création d’Airbnb, de nombreuses études ont été menées pour mesurer l’impact de son développement sur l’activité hôtelière. Si certaines analyses comme celles d’Inès Blal et al. (« Airbnb’s Effect on Hotel Sales Growth »,2018) démontrent que l’offre d’Airbnb n’a pas eu d’effet négatif sur l’activité des hôtels, d’autres comme Dogru et al. soulignent le contraire. Pour ces derniers, une offre accrue de logements Airbnb a un impact négatif sur certains indicateurs de performance de l’hôtellerie comme le taux d’occupation, le prix moyen quotidien des chambres (average daily rate/ADR) et le revenu par chambre disponible (revenue per available room/REVPAR).

De son côté, l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), principale organisation chef de file du secteur de l’hôtellerie – restauration en France, reproche à Airbnb « de ne pas respecter les règlementations en vigueur, de détourner illicitement une partie de la clientèle des hôteliers et de créer une rupture d’égalité concernant la collecte de séjour, au détriment des collectivités locales ».

En 2018, s’appuyant sur les griefs évoqués précédemment, l’UMIH a assigné Airbnb en justice. Mais le tribunal de commerce de Paris a débouté l’UMIH et l’a condamné à verser 40 000 euros d’amende. En parallèle, un groupe de 26 hôteliers a porté plainte le 20 juin 2024 contre Airbnb, toujours pour le motif de concurrence déloyale et réclamé 9,2 millions d’euros au géant américain de la location de logements touristiques Airbnb.

Véronique Siegel, Présidente de l’UMIH, parle « d’injustice » et de « concurrence déloyale extrême » exercée par Airbnb. Elle fonde ses espoirs dans la loi Le Meur du 19 novembre 2024 qui vise à réguler le marché de la location de logements Airbnb.

Pour rester compétitifs et faire face à la concurrence des plateformes de location entre particuliers, l’hôtellerie doit se réinventer. Les prestataires hôteliers doivent adopter une approche plus dynamique pour attirer et fidéliser leur clientèle.

Quelles stratégies pour faire face à la concurrence d’Airbnb ?

Pour se réinventer, le secteur de l’hôtellerie doit instaurer une culture d’excellence du service, fidéliser et renforcer l’expérience client grâce à l’intelligence émotionnelle et repenser la politique tarifaire.

  • Instaurer une culture d’excellence du service et une performance innovante

La culture d’excellence du service ne se limite pas à l’hôtellerie de luxe. Elle désigne la capacité des prestataires hôteliers à satisfaire constamment les attentes des clients et parfois même à les dépasser en anticipant et en satisfaisant leurs souhaits.

Le service revêt un aspect essentiel de l’industrie hôtelière. Comme l’écrivent Eric Pezet et al., « dans le domaine de l’hôtellerie, la notion de service est au cœur de la marque employeur (« Management de la marque employeur », 2013). Un service de qualité influence la décision de la clientèle de revenir à l’hôtel. Face à la concurrence, les hôteliers doivent accroître leur compétitivité grâce à une amélioration de la qualité de leur personnel et à une adaptation de leurs stratégies opérationnelles. Rudolf O. Large et Tatjana König (2009) soutiennent que la « qualité du service est liée au comportement des employés et constitue une condition préalable à la performance globale de l’entreprise ».

  • Fidéliser et renforcer l’expérience client grâce à l’intelligence émotionnelle

Le concept « d’intelligence émotionnelle » (IE) a été popularisé par Daniel Goleman en 1995. Pour des auteurs comme Cherniss et Goleman (2001), Cooper et Sawaf (1998), Villamira (2001), « l’intelligence émotionnelle peut être appliquée avec succès concernant la gestion de l’hôtellerie et du tourisme, en apportant des avantages compétitifs à l’entreprise ainsi qu’à la relation avec les clients ou les fournisseurs » .

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