Une rentrée sous le signe de la morosité du consommateur


Après la parenthèse heureuse des Jeux Olympiques, les Français redescendent sur terre. La situation économique est mauvaise et l’instabilité politique élevée. A l’évidence cela pèse sur le moral du consommateur, et l’enquête que vient de réaliser Appinio entre le 2 et le 4 septembre sur 1000 personnes représentatives pour le magazine LSA le confirme : en cette période de rentrée le consommateur français est morose.

  • 53% se disent pessimistes
  • 77% sont inquiets pour leur pouvoir d’achat, et près d’un Français sur deux pense qu’il va baisser au cours du dernier trimestre.

De plus, même les bonnes nouvelles ont du mal à être perçues. Ainsi, alors que l’INSEE indique que l’inflation vient de repasser sous la barre des 2%, et que, s’agissant des PGC (produits de grande consommation), le mois d’août est le quatrième mois de baisse consécutive, 70% des Français continuent de penser que les prix de ces produits ont augmenté au cours de ces derniers mois et 41% qu’ils vont continuer à augmenter au quatrième trimestre !

Comment expliquer ce pessimisme qui conduit à de telles divergences entre perception et réalités statistiques ?


En fait, cette morosité s’exprime le plus souvent de trois manières : par la nostalgie, le fatalisme, et l’inquiétude.


La nostalgie

« Au cours de mon passage à Matignon j’ai pu mesurer qu’il existait chez les Français un profond sentiment de déclin », confiait Gabriel Attal dans une récente interview. En effet le sentiment que nous vivons en France une période de déclin, que « c’était mieux avant », grandit. Il est porté d’abord par des observations objectives qui concernent notamment notre situation économique, avec une dette et des déficits qui ne cessent d’augmenter, une industrie dont la part dans le PIB diminue régulièrement, une agriculture même, dont les performances à l’exportation souffrent. Elles concernent également l’hôpital ou l’éducation, dont la dégradation de la situation apparaît clairement dans les comparaisons internationales. S’agissant de l’éducation, chacun a en tête la piteuse place de la France dans le dernier classement PISA ! Le déclin se mesure d’ailleurs également dans la perte d’influence de notre pays sur la scène internationale. Sans revenir au siècle de Louis XIV, quand la France dominait l’Europe donc le monde, ni même aux années 60, quand la voix du Général de Gaulle portait bien au-delà de nos frontières, on pourrait s’attendre à ce que la France, 7e puissance économique du monde, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, soit encore considérée comme une grande puissance. Or, tel ne semble plus être le cas, et les Français peuvent malheureusement le constater chaque jour davantage. Ainsi dans la période récente, l’Allemagne vient de décider unilatéralement de fermer ses frontières ou encore la Présidente de la Commission européenne vient de refuser la nomination d’un Commissaire pourtant proposé par le Président français. La France serait-elle devenue un petit pays que l’on pourrait négliger ?

Le fatalisme

La nostalgie du passé et le sentiment de perte d’influence qui l’accompagne conduit à un certain fatalisme qui ne peut qu’accroître la morosité générale. Les Français ont le sentiment de ne plus être maîtres de leur destin. C’est « l’Europe » qui décide de notre politique migratoire, ce sont « les marchés » qui dictent notre politique économique. Il est vrai qu’avec un ratio Dette/PIB de 110% et un déficit public supérieur à 5% du PIB, il est difficile d’affirmer sa souveraineté. Cette relative impuissance de l’Etat est d’ailleurs soulignée dans le sondage Appinio qui révèle que 76% des Français ne font pas confiance à un gouvernement pour contribuer à l’amélioration de leur pouvoir d’achat. Or, quoi de plus déprimant que ce sentiment d’impuissance !

L’inquiétude

L’étude dont je viens de résumer les principaux enseignements le montre, les Français manquent de confiance dans l’avenir. Trois Français sur quatre affirment d’ailleurs avoir reporté certaines dépenses importantes et 40% pensent que leurs achats vont diminuer dans les six mois à venir, notamment dans les catégories meubles et décoration, restaurants et bars, produits électriques, voyages et vacances. A ces inquiétudes économiques s’ajoutent des inquiétudes sociales et environnementales, telles que la question identitaire avec l’angoisse sécuritaire qui l’accompagne ou celle du réchauffement climatique.
Comment dans ces conditions croire en l’avenir quand les débats tournent trop souvent autour des menaces sur le pouvoir d’achat, de la perte d’identité liée à l’immigration massive, de la délinquance qui explose, ou de la décroissance qui serait imposée par les nouvelles contraintes climatiques ?

Nul doute que ce pessimisme va continuer de peser sur l’activité économique. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir s’il s’agit d’une fatalité. L’ancien gouverneur de la Banque de France, Jacques de Larosiere, qui a également dirigé le FMI, pose bien la question dans son dernier livre intitulé « Le déclin français est-il réversible ? ».

Pour stopper ce déclin il faudrait selon lui, avant toute chose, pouvoir sortir du déni et de la facilité monétaire et budgétaire. S’agissant du déni, premier obstacle à quelque politique de redressement que ce soit, Jean Baechler et Gérald Bronner dans leur livre « L’irrationnel aujourd’hui » montrent bien la place redoutable prise par l’irrationnel dans notre monde.
Les médias, les réseaux sociaux, les partis politiques seront-ils capables de se protéger des idéologies, des idées toutes faites, et des émotions, pour affronter le réel avec lucidité et honnêteté.
Sur ce point l’économiste Jean-Marc Daniel fait preuve de scepticisme et de sévérité
quand il affirme que : « Nous sommes dans une phase que j’appelle « la route de
l’imposture », c’est-à-dire la capacité de certains à obtenir du pouvoir en diffusant des contre-vérités. La classe politique est fascinée par ces mensonges séduisants qui dispensent de faire des e efforts. De plus, elle fait souvent preuve d’ignorance. »

Ces constats faits, chacun s’accorde donc à dire que le retour à la confiance en l’avenir, à l’optimisme, ne sera pas chose facile. Mais pas impossible. On pense à ce qu’a su faire le Général de Gaulle en 1958 quand il a retourné une situation extrêmement difficile en quelques mois, ou bien, plus proche de nous, au remarquable redressement réalisé par des pays comme le Canada ou le Portugal.

Il faudra certainement pour cela savoir retrouver la fierté de son passé, sans l’idéaliser, chasser le fatalisme, et agir avec courage en privilégiant l’analyse rationnelle et en se gardant des idéologues et des « faux monnayeurs ».

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