Franchise et location gérance sont deux modes de développement adoptés par un nombre croissant d’entreprises de distribution et de services qui choisissent ce type de croissance dès les premières années de la vie de leur entreprise ou qui transforment progressivement leur parc intégré en réseau mixte.
Application au cas Carrefour
Jusqu’à une période récente tout semblait aller aussi bien que possible, les franchiseurs recherchaient des franchisés en mettant en avant qu’ils seraient des entrepreneurs indépendants. Mais en France, depuis un peu plus d’un an, un certain nombre de franchisés et leurs salariés se rebellent et contestent les abus de la franchise « à la mode Carrefour ».
Cette solution miracle intitulée « franchise participative » mise en avant par Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, dans son plan Carrefour 2026, est destiné à contrer les groupements d’indépendants, devenus les leaders de la distribution alimentaire française.
Dans cet article nous examinerons – aussi objectivement que possible car le sujet est polémique – les avantages et les inconvénients de ces deux modes de développement en nous limitant au secteur de la distribution alimentaire française au sens strict, c’est-à-dire en excluant la restauration rapide où la franchise est depuis toujours le mode de développement privilégié.
Partie 1 : Principes et histoire des modes de développement des entreprises de distribution
Si on se réfère à l’histoire de la distribution moderne, on peut reconnaître quelques grandes étapes dans le choix d’un mode de développement prédominant.
- À la fin du XIXe siècle, apparition d’un modèle qui va devenir prévalent : le succursalisme.
- Au début du XXe siècle : importance du succursalisme et dans une moindre mesure des coopératives qui connaissent leur apogée dans la première moitié du XXe siècle.
- À partir de la seconde moitié du XXe siècle, succursalisme intensif, impulsé par la révolution de l’hypermarché et des grandes surfaces spécialisées mais aussi, développement de la franchise commerciale moderne.
- Au début du XXIe siècle montée en puissance des groupements d’indépendants et des hard -discounters comme Aldi et Lidl.
Partie 2 : Principes et histoire de la franchise et de la location gérance
- Définition et principes de la franchise
Le mot franchise remonte au Moyen Âge lorsque les seigneurs accordaient, moyennant redevance, des privilèges à des villes ou à des corporations.
Le concept de franchise a beaucoup évolué. La définition actuelle proposée par le dictionnaire de l’Académie des Sciences Commerciales pour le mot franchise est la suivante : « Contrat de distribution de biens et/ou de services par lequel un franchisé exploite un concept (généralement sous une enseigne) développé par un franchiseur contre rémunération, directe ou indirecte[1] en fonction de l’assistance apportée par le franchiseur. »
Le franchiseur perçoit un droit d’entrée et des redevances, généralement un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par le franchisé.
Il existe différentes classifications possibles de la franchise.
Nous avons retenu un classement en trois catégories :
- Franchise de distribution : le franchiseur concède au franchisé la vente, dans un territoire déterminé via des magasins, des biens matériels généralement fabriqués ou fournis par le franchiseur (vêtements, produits alimentaires, articles de bricolage…)
- Franchise de service : le franchisé reproduit les prestations de services inventées et définies par le franchiseur en utilisant de plus en plus des logiciels propriétaires. On trouve de nombreux exemples de franchises de services dans les chaines hôtelières, les agences de voyages, les agences immobilières, les loueurs de voitures ou l’aide à la personne.
- Franchise industrielle : elle associe de part et d’autre des industriels. Les franchisés produisent sous licence et bénéficient de la technologie, de la marque et de l’assistance technique du franchiseur. Yoplait est la franchise industrielle la plus souvent citée à titre d’exemple.
Trois éléments clés sont à retenir dans le concept de franchise commerciale :
- La possibilité d’utiliser la renommée et l’image d’une enseigne ou d’une marque.
- La transmission d’un savoir-faire gagnant.
- L’accompagnement et le suivi du franchisé en vue d’une bonne application du savoir-faire.
L’accord entre le franchiseur et le franchisé est matérialisé par un contrat qu’il est nécessaire d’examiner dans les moindres détails afin d’éviter, autant que faire se peut, des litiges éventuels futurs.
Ce contrat recouvre les principaux points suivants :
Le droit d’entrée
Le droit d’entrée représente la participation du franchisé pour lui permettre d’avoir accès à la marque et au savoir-faire du franchiseur. Il n’est généralement pas remboursable. Il ne représente qu’une faible part de l’investissement global à la charge du franchisé (acquisition des locaux, aménagement et équipement du magasin, décoration…).
Son montant varie considérablement d’un réseau à l’autre (de 5 000 € à plus de 50 000 € et parfois plus) selon le secteur d’activité, le développement du savoir-faire, la taille du réseau, la notoriété de la marque…
Territoire
Il est important au moment de la signature du contrat de définir avec soin le territoire géographique spécifique au sein duquel le franchisé pourra exploiter en exclusivité la marque ou le concept de franchise. L’idée est de permettre au franchisé de bénéficier d’une zone de chalandise suffisante pour lui permettre d’avoir des revenus satisfaisants.
Ce point fait l’objet de nombreux litiges car il est tentant pour le franchiseur de laisser le franchisé croître et embellir, puis d’implanter en bordure du territoire défini au moment de la signature du contrat, soit un nouveau franchisé, soit même un magasin de la chaîne.
Durée du contrat
En général les contrats de franchise ont une durée de 5 à 10 ans, mais il est possible que celle-ci se réduise à 3 ans ou dépasse 10 ans, si le franchiseur souhaite fidéliser ses franchisés ou si l’investissement est particulièrement important comme dans l’hôtellerie.
Prestations fournies par le franchiseur
Les services que rend le franchiseur comprennent généralement l’assistance dans le choix de l’emplacement du magasin, de l’aménagement de celui-ci, des équipements informatiques et du matériel de caisse, la formation initiale et continue du franchisé et de ses collaborateurs et la transmission du savoir-faire managérial…
Participation du franchisé
Le franchiseur réalise souvent à ses frais la publicité nationale mais demande une participation pour la publicité locale.
Approvisionnement
Le franchisé est tenu d’acheter une grande partie de ses produits et services auprès de la centrale d’achats du franchiseur ou bien ce dernier oblige le franchisé à passer par des fournisseurs agréés par lui.
Généralement le contrat spécifie le pourcentage qui doit obligatoirement passer par la centrale du franchiseur. C’est aussi une opportunité pour le franchisé de bénéficier de conditions d’achat plus favorables que s’il était indépendant.
En dehors des coûts de démarrage Le franchisé doit également prendre en compte les coûts associés à l’exploitation :
Redevances périodiques
Il s’agit de sommes forfaitaires ou calculées en pourcentage du chiffre d’affaires brut réalisé. Ces redevances peuvent être mensuelles, trimestrielles ou annuelles et couvrent généralement les services et le support fournis par le franchiseur, tels que l’assistance continue, la formation, le développement de nouveaux produits, etc.
Redevances publicitaires
Certains franchiseurs exigent des franchisés qu’ils contribuent à un fonds publicitaire commun destiné à promouvoir la marque et le réseau dans son ensemble. Le montant de la redevance publicitaire peut être fixe ou calculé en pourcentage du chiffre d’affaires. Le montant des redevances publicitaires peut être compris dans les redevances périodiques.
Nous avons présenté les éléments clés d’un contrat de franchise mais il peut y avoir des variantes selon les franchises. C’est pour cela qu’il est recommandé de passer par un avocat « neutre » et spécialisé.
Investissement global du franchisé pour accéder à une franchise :
Le franchisé doit prévoir un investissement global qui varie entre 50 et 500 000 euros, selon le secteur d’activité, l’enseigne et les prestations fournies par le franchiseur.
- Les avantages et inconvénients de la franchise
Pour le franchiseur
Les avantages sont relativement peu nombreux mais d’importance. Ils gravitent autour du coût et de la rapidité d’expansion.
- Un mode de développement à coût plus limité qu’un développement en propre. Le meilleur exemple est celui de l’hôtellerie.
- Un développement rapide pour acquérir un avantage concurrentiel. La franchise par son développement rapide est un multiplicateur de notoriété qui fait grandir l’entreprise et bloque ou affaiblit les nouveaux entrants.
Mais la franchise présente aussi des inconvénients :
- Risque de dégradation du réseau si le système de contrôle des franchisés est défaillant ou si la définition de la politique commerciale est trop floue ou n’a pas été actualisée pour tenir compte de l’évolution de l’environnement. Avec le COVID les réseaux ont dû s’adapter rapidement afin de proposer le service « click and collect » et/ou la livraison à domicile.
- Développement prématuré en franchise alors que le réseau n’a pas atteint la masse critique ou si la politique n’a pas été suffisamment codifiée.
- Risque de sous-évaluation des redevances possibles lors de la signature du contrat.
Sous-estimation des redevances
Le procès entre Raymond Dayan et McDonald’s est un excellent exemple pédagogique.
En 1972, Raymond Dayan, un homme d’affaires français qui vit aux États-Unis réussit à convaincre le siège de McDonald’s à Chicago de lui accorder la franchise McDo moyennant des royalties de 1,5% (alors que le taux habituel aujourd’hui est de l’ordre de 9 %). Il faut dire que les Américains ne croyaient pas que le hamburger puisse être un succès en France, le pays de la gastronomie !
Le contrat stipulait la possibilité d’ouvrir jusqu’à 150 restaurants et une exclusivité pour 30 ans.
Erreur de jugement sur l’évolution du comportement des consommateurs français !
Le 30 juin 1972 ouvre à Créteil, en région parisienne, le premier McDo, ce premier McDo remporte seulement un succès de curiosité. Dayan persévère pourtant et ouvre en 1973 un McDo aux Champs Élysées. Il faudra atteindre trois ans pour que les restaurants deviennent rentables. À la fin des années 1970 Dayan est devenu le roi du hamburger. Il possède 14 restaurants sert 6 millions de repas par an et réalise un chiffre d’affaires de 60 millions de francs (soit approximativement 33 millions €). Les Américains, conscients de leur erreur, proposent à Dayan de racheter ses 14 restaurants. Dayan refuse et on va au procès. Le Français gagne en première instance mais perd en appel. Il ne peut plus utiliser l’enseigne McDo mais garde ses restaurants qu’il revend à Quick, un groupe belge qui souhaite s’implanter en France.
- Risque de dégradation de l’image si un nombre notable de franchisés ne respecte pas les remarques du cadre-conseil du franchiseur et ne suit pas les savoirs faire transmis à travers la « bible de franchise. »
Pour le franchisé
- Le premier avantage pour le franchisé est le sentiment d’indépendance et d’ascension sociale « être ou devenir son propre patron »
- Un autre avantage notable est la souplesse comptable que procure le statut de franchisé.
- La possibilité d’apprendre un métier nouveau, ou la réalisation d’un changement de niveau hiérarchique dans un métier déjà connu.
- Une source de revenus, plus ou moins importante, et à risque réduit, si la franchise a été bien choisie.
- Le franchisé bénéficie d’un modèle d’entreprise éprouvé et établi, ce qui réduit les risques par rapport à la création d’une nouvelle marque ou enseigne.
- Le franchisé profite de la notoriété et de la réputation déjà construites de la marque, ce qui facilite l’acquisition de clients dès l’ouverture du point de vente.
- Assistance et formation : le franchisé bénéficie d’une formation et d’une assistance continues du franchiseur. L’expérience de ce dernier permet au franchisé d’éviter les erreurs courantes commises par un commerçant indépendant et l’aide à gérer plus efficacement son entreprise.
- Accès aux ressources : en intégrant le réseau, le franchisé obtient un accès à des ressources telles qu’une liste de fournisseurs agréés, des systèmes de gestion, des équipements magasins, des outils marketing, des manuels opérationnels, etc. Ces ressources lui permettent de gagner du temps et de se concentrer sur l’exploitation de son fonds de commerce.
- Pouvoir de négociation : en tant que membre du réseau, le franchisé jouit d’un pouvoir de négociation accru auprès des fournisseurs, ce qui peut se traduire par des économies d’échelle et de meilleures conditions d’approvisionnement. Ceci ne peut se réaliser que si le franchiseur permet au franchisé d’accéder à des tarifs compétitifs.
- Avantage concurrentiel : en intégrant un réseau de franchise, le commerçant bénéficie d’un avantage concurrentiel et ce, dès la création de son entreprise.
Une exploitation en franchise présente aussi des inconvénients :
- Risque de création de points de vente en propre de la part du franchiseur venant réduire le potentiel du franchisé.
- Affaiblissement de la valeur de l’enseigne s’expliquant par le phénomène du cycle de vie d’enseigne, mais avec une moindre rapidité dans l’alimentation générale, moins soumise à la mode qui présente des cycles de vie courts.
La franchise présente aussi des contraintes pour le franchisé :
- Coûts initiaux : devenir franchisé implique souvent des coûts initiaux importants tels que le droit d’entrée, les frais de formation, l’aménagement du local et, dans certains cas, le dépôt de garantie. Ces investissements peuvent représenter une barrière financière pour certains entrepreneurs.
- Redevances périodiques : le franchisé doit payer des redevances régulières au franchiseur, généralement sous la forme d’un pourcentage du chiffre d’affaires, ce qui peut réduire sa marge bénéficiaire et affecter sa rentabilité à long terme.
- Perte d’autonomie : le franchisé doit suivre les directives et les politiques du franchiseur, ce qui peut limiter sa liberté de décision, sa créativité et sa capacité d’initiative locale.
- Dépendance à l’égard du franchiseur : le succès du franchisé dépend en partie de la performance du franchiseur. Si le franchiseur rencontre des difficultés financières ou des problèmes de réputation, l’entreprise du franchisé peut être directement affectée.
- Concurrence interne : dans certaines franchises, les franchisés peuvent se situer à proximité les uns des autres, ce qui peut engendrer une concurrence interne susceptible d’impacter leurs performances individuelles.
En France, la loi Doubin du 31 décembre 1989 protège les franchisés en obligeant le franchiseur à transmettre au moins 20 jours avant la signature du contrat un DIP (Document d’Information Pré – Contractuel) destiné à éclairer la décision du franchisé (identité du franchiseur, présentation de son entreprise, marché de la franchise, présentation du réseau, obligations du franchiseur, coût et conditions financières, durée du contrat, litige et contentieux…).
Pour les salariés
- Les salariés, s’ils n’ont pas été transférés d’un magasin en propre à un magasin franchisé, ont un sentiment d’appartenance à un groupe puissant, ce qui est valorisant pour eux.
- Ils ont une rémunération et des avantages sociaux en général supérieurs à ceux accordés par un commerçant indépendant.
- Dans le cas où les salariés appartiendraient déjà à un magasin du franchiseur, ils considèrent qu’il y a une perte de rémunération et d’avantages sociaux que la CFDT à chiffré à 2300 € par an.
Respect de la législation sociale
Selon Sylvain Macé (Délégué Syndical Groupe) « Carrefour contourne la législation sociale en matière de représentation du personnel dans ces magasins., Les repreneurs évitent la constitution d’unités économiques et sociales ou de groupes pour ne pas avoir de représentants ». Du côté de Carrefour, on souligne qu’une « clause sociale » a été signée pour les salariés concernés. « Les salariés bénéficient ainsi du maintien d’autres avantages obtenus chez Carrefour comme la remise de 10% à valoir sur leurs achats dans le magasin, le maintien des tickets restaurant, d’un régime de mutuelle et prévoyance qualitatif ou le principe du volontariat pour le travail dominical« .
- Les principes et l’histoire de la location gérance
La location gérance aussi appelée « gérance libre » est un contrat qui lie le propriétaire d’un fonds de commerce, le bailleur, à un tiers, le gérant, moyennant le paiement d’un loyer.
Le bailleur confie la gestion de son commerce et se décharge ainsi des soucis du quotidien.
Ceci est particulièrement intéressant pour les grandes entreprises de distribution qui disposent de réseaux de proximité de plusieurs milliers de magasins difficiles à contrôler et dont certains ne sont pas rentables. En confiant la gestion de leurs magasins à des gérants, ils espèrent que ceux-ci vont s’impliquer fortement pour maximiser leur profit.
La location gérance est apparue en France au début du 20è siècle lorsque certains propriétaires individuels ont voulu déléguer la gestion de leurs magasins parce que la taille de leur réseau devenait trop importante pour être géré par eux-mêmes.
Auparavant les commerces étaient surtout individuels ou confiés à des gérant salariés.
La location gérance est en théorie l’alliance du capital et du travail.
- Avantages et inconvénients de la location gérance
Pour le bailleur s’assurer d’un revenu fixe tout en se déchargeant de la gestion courante.
- Pour le locataire gérant s’impliquer au maximum pour maximiser ses revenus. La location gérance est une bonne solution pour des individus aptes à gérer par eux même.
- Pour le personnel valorisation et rémunération supérieure ou égale car appartenance à une enseigne à forte notoriété ou à notoriété croissante.
Après avoir présenté successivement les avantages et les inconvénients de la franchise et de la location gérance, essayons de les comparer
Location gérance vs franchise
CRITÈRES | LOCATION GÉRANCE | FRANCHISE |
Propriété du fonds | Bailleur (distributeur) | Franchisé |
Forme de rémunération | Loyer mensuel ou trimestriel payé au bailleur | Pas de loyer |
Type de rémunération du franchiseur | Loyer | Redevance (% du chiffre d’affaires) |
Formation | Non | Oui en général |
Investissement du locataire ou franchisé | Peu d’investissements | Investissement important |
Liberté & autonomie de l’exploitant | Assez forte | Assez faible |
Fin de contrat | Retour du fonds au bailleur | Fonds possédé par le franchisé |
FRANCHISE PARTICIPATIVE | ||
Capital | Franchiseur 34% capital : contrôle du bien | Minorité de blocage |
Autonomie | Autonomie assez faible du franchisé |
Panorama de la franchise alimentaire en France
Contrairement aux États-Unis où les grands distributeurs alimentaires se développent sous forme intégrée, les leaders français de la distribution sont des groupements d’indépendants qui pratiquaient peu la franchise.
Le secteur de la franchise alimentaire a réalisé en 2022, un chiffre d’affaires de 26,18 milliards d’euros en hausse de 16,8 % par rapport à 2021. Ce secteur arrive au premier rang des franchises les plus rentables.
Les principaux franchiseurs de la distribution alimentaire française
Groupes et enseignes | Localisation et taille | Caractéristiques | Droit d’entrée Apport CA annuel | Parc Franchisé / Total parc % |
Intermarché | ||||
Commence la franchise en 2023 avec un objectif tactique (5% du CA de la branche alimentaire) pour contrer la concurrence. Dispose de 56 magasins en franchise | ||||
Intermarché Hyper | 3500 – 6700 m2 | |||
Intermarché Super | Alimentaire :1200-2500 m2 Généraliste :2500-3500 m2 | Parcours ouvert à tous profils Formation en alternance de six mois | Pas de droit d’entrée. Apport personnel 300 000 € | |
Intermarché Contact | 500-1100 m2 | Parcours ouvert à tous profils Formation en alternance de six mois | Pas de droit d’entrée. Apport personnel 300 000 € | |
Intermarché Express | Centre-ville : 300-1000 m2 | Parcours ouvert à tous profils Formation en alternance de six mois | Pas de droit d’entrée Apport personnel 250 000 € | |
Leclerc | ||||
Nous n’avons pas inclus Leclerc dans la présentation des grands « distributeurs franchiseurs » français parce que Leclerc ne pratique pas la franchise au sens strict. Bien que Leclerc présente dans sa pratique certaines similitudes avec la franchise, notamment l’utilisation d’une marque commune et la mutualisation de certains services, Leclerc est essentiellement un groupement coopératif de détaillants. Chaque magasin Leclerc est détenu et géré indépendamment par un adhérent qui est souvent un entrepreneur local. Les adhérents sont regroupés au sein d’une coopérative qui leur permet de bénéficier de la puissance d’achat et de l’image du groupe. | ||||
Coopérative U | ||||
Groupement coopératif d’indépendants. Dans sa communication U ne veut pas être considéré comme franchiseur. U appelle ses adhérents « associés ». U continue à rechercher de nouveaux associés qui doivent être prêts à mettre un apport personnel important. Contrairement aux autres distributeurs U souhaite avoir comme candidats des personnes ayant déjà un « profil distributeur ». | ||||
Hyper U | 4000 – 10 000 m2 | Plus de 500 000 € Apport personnel | ||
Super U | 1000 – 4000 m2 | 300 000€ – 500 000 € Apport personnel | ||
U Express | U Express urbain LS de 250 à 999 m2 U rural : 500 à 999 m2 | 150 000 € -300 000€ Apport personnel | ||
Utile | Magasin de proximité de 150 -400 m2 + focus frais & services | 75 000 €-150 000 € Apport personnel | ||
Carrefour | ||||
La proximité est essentiellement un héritage de Promodès. En 2023 Carrefour avait en France métropolitaine 5336 magasins franchisés soit 88% du parc total France | ||||
Carrefour Hypermarché | 87/253 = 38% | |||
Carrefour Market | 1000 – 3500 m2 | 754 /1038= 73% | ||
Carrefour City (Proximité) | 80 -300 m2 | 7500€ location gérance 80 000 € franchise | ||
Carrefour Contact (Proximité) | 425-1200 m2 | 7500€ location gérance 80 000 € franchise | ||
Carrefour Express (Proximité) | 80 -300 m2 | 7500€ en location gérance 80 000 € en franchise | ||
Carrefour montagne (Proximité) | 200 -500 m2 | 7500€ en location gérance 80 000 € en franchise | ||
8 à Huit (Proximité) | 70 -400 m2 | 7500€ en location gérance 80 000 € franchise | La proximité représente 78% du parc (4561 sur 5841magasins France métropolitaine | |
Supeco | Discount | 7500€ en location gérance Franchise : ND CA entre 1 et 10 millions € selon enseigne. | 56 magasins | |
Ppomocash | Cash & Carry | 7500€ location gérance 150 000 € franchise | ||
Casino | ||||
Monoprix | Centre-ville, Emplacement n° 1 ou 1 bis Surface moyenne 1500 m2 | Zone de chalandise plus de 40 000 habitants. Apport pers : 400 000€ Investissement + de 2,3 millions HT (hors immobilier) | CA moyen 5 000 000 € Parc en légère diminution | 74/842 = 38% 5 créations en 2023 |
Monop’ | Concept urbain Surface moyenne 255 m2 | Zone de chalandise supérieure à 40 000 habitants. | CA moyen 1 500 000 € Apport pers : 250000€. Investissement hors immobilier 600 000 € | 67/131 = 51% |
Naturalia | Centre- ville | Créé en 1973 par deux agriculteurs. Appartient à Monoprix depuis 2018. Présente plus de 5000 références | 56/224=25% | |
Franprix | Supermarchés | Créé en 1958. Depuis 2007 appartient à Casino. | Chiffre d’affaires 2003 : 1,8 milliards € | 758/1179 =64% |
Casino Proximités (Petit Casino, Casino Shop, Vival, Spar | 5220/5751=91% | |||
Auchan | ||||
A 2 Pas devenu MyAuchan en 2017 | Magasin de proximité centre -ville Moins de 500 m2 | Maximum 13000 références Apport personnel : 150 000 € Droit entrée 20000 € | De 8 à 11 000 €/ m2 | 2011 Premier magasin en franchise 790 magasins |
Simply Market devient Auchan Supermarché en 2017 | Supermarché centre-ville et périphérie. 800 -2500 m2 | Première implantation 2006 Plus de 60 000 références | De 6 à 10 000 €/ m2 | |
Spar | ||||
Spar | 200 à 1000 m2 | Chaine volontaire néerlandaise créée en 1932. Casino en est le concessionnaire France Apport 40 000€ CA à 2 ans :1 à 5 millions € | 900 implantations | |
Spar Supermarché |
Partie 3 – Un exemple de politique de franchise : le cas Carrefour.
Depuis 2022, le modèle succursaliste qui structurait historiquement la grande distribution alimentaire française perd un de ses derniers adeptes. Pour lutter contre les indépendants : Leclerc, Intermarché et Coopérative U, Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour a proposé un plan d’action ambitieux pour la période 2022-2026 ; celui-ci mise notamment sur la franchise et la location gérance.
Mais l’externalisation avait déjà commencé avant 2017, année de l’arrivée d’Alexandre Bompard chez Carrefour. De 1978 à 2023, Carrefour a passé 305 hypers et supermarchés en location gérance ou en franchise.
En 2024, Carrefour a franchi le point de non-retour.
À l’occasion de la présentation des résultats annuels 2023, Alexandre Bompard insiste sur le fait que « la moitié du chiffre d’affaires France 2023 a été réalisé par des magasins en franchise ou en location-gérance » .
Il réaffirme que la franchise va continuer à occuper une place prépondérante dans le futur de la stratégie Carrefour : « Ce sont les franchisés qui nous permettent de capter rapidement de la croissance par l’ouverture de magasins de proximité ».
D’ici à 2026 « Carrefour compte ouvrir 2400 magasins de proximité[2] dans le monde, soit en moyenne 600 magasins par an, essentiellement en franchise en se concentrant sur les pays européens. »
Bel optimisme, sauf si ce modèle est contesté par trois acteurs d’importance : les franchisés, les pouvoirs publics et la bourse.
Mi-juin 2024, les rapports entre Carrefour et un certain nombre de ses franchisés prennent une tournure nouvelle. L’AFC (Association des Franchisés Carrefour) entame un procès aux sociétés représentant les enseignes de Carrefour proximité. Bercy menace Carrefour d’une amende de 200 millions € pour abus de position dominante dans ses relations avec ses franchisés, la bourse réagit et l’action Carrefour dévisse de presque 10% avant de se reprendre un peu.
Par ailleurs, les syndicats du personnel se plaignent de la perte financière qu’entraine le passage d’un magasin intégré à un magasin franchisé.
Au-delà de cette affaire qui sera plaidée au plus tôt en 2025, ce cas est significatif des conséquences néfastes que peut entraîner des rapports dégradés entre franchiseurs et franchisés.
Les principaux griefs des franchisés (ou au moins ceux appartenant à l’AFC) à l’égard de Carrefour, tels qu’ils apparaissent dans les « Conclusions en Intervention n°1 », document adressé par le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Numérique au tribunal de Commerce de Rennes le 11 juin 2024 sont :
- Absence de négociabilité des contrats.
- Clauses de non-concurrence et de non-affiliation limitant la liberté post contractuelle.
- Pluralité des clauses compromissoires entraînant l’inflation des coûts.
- Clause de résiliation anticipée conditionnée en faveur du franchisé alors qu’elle est de plein droit pour le franchiseur.
- Insuffisance de la rentabilité pour le franchisé qui s’explique par le fait que le franchisé n’a pas la maîtrise des prix de vente et qu’il est tenu de s’approvisionner en priorité auprès de la centrale d’achat Carrefour (à des conditions peu compétitives selon l’AFC).
1° Importance actuelle de la franchise chez Carrefour
Carrefour franchise trois types de magasins : la proximité, les supermarchés et les hypermarchés
La franchise de proximité est quantitativement la plus importante en nombre de magasins. Elle est, selon les experts, plus intéressante que celle de ses concurrents : 7500€ d’apport personnel, pas de droits d’entrée, pour un chiffre d’affaires à 2 ans de 1 à 20 millions €.
Initialement le franchisé est quasi obligé d’exercer en location gérance qui est transformée en franchise au bout de 2 à 3 ans grâce aux bénéfices réalisés par le franchisé durant sa période de location gérance.
Les hypermarchés et les supermarchés franchisés prennent une place de plus en plus importante dans le parc Carrefour. Entre 2018 et 2023. 64 hypermarchés et 204 supermarchés sont passés en franchise. Au total, en 2023, en France métropolitaine, on dénombre 87 hypermarchés et 754 supermarchés exploités en franchise.
2° La politique de franchise et de location gérance chez Carrefour
- Carrefour dispose d’un parc important de magasins de proximité.
- Carrefour a historiquement un vrai savoir-faire de franchiseur qu’il a hérité de Promodès.
- Carrefour a connu une période d’internationalisation tous azimuts avant de passer à un choix plus ciblé (Europe, Brésil…). Carrefour mise maintenant sur la franchise abandonnant les joint-ventures.
- La location gérance est un marche-pied pour la franchise. La plupart du temps Carrefour impose d’abord la location gérance minimum un an, plus généralement deux à trois ans (qu’on peut considérer comme une période d’observation) avant d’accorder dans le meilleur des cas une franchise.
- La location gérance s’adresse en priorité à la proximité. C’est un moyen de sauver un certain nombre de magasins non rentables en les confiant à des individus très impliqués et qui connaissent bien l’environnement local.
3° Les limites et abus : pot de terre contre pot de fer
Selon nous la clause du contrat la plus grave dénoncée par les franchisés appartenant à l’AFC est l’obligation d’acheter aux centrales d’achats de Carrefour pour 45 à 50 % et celle de dépasser 65 % pour avoir droit à une ristourne achats et fidélité. Et ce, à des conditions ne permettant pas toujours aux franchisés d’être compétitifs !
Partie 4 – Les principes à retenir et l’avenir de ces modes de développement dans la distribution française alimentaire.
Promesses tenues : gagnant-gagnant entre franchiseur et franchisé
Pour qu’une relation commerciale soit saine, il faut tendre vers une situation qui équilibre les avantages et les inconvénients pour les deux parties, or cela ne semble pas avoir été toujours le cas. Carrefour se doit de rétablir une relation plus confiante avec ses franchisés mécontents.
Pot de terre contre pot de fer
Il ne faut pas qu’il y ait d’abus du pot de fer (le grand distributeur) vis-à-vis du pot de terre (le franchisé) qu’on utiliserait afin d’essayer de redresser des situations difficiles (des magasins en perte[3]). Si les missions impossibles sont trop nombreuses, on risque d’aboutir à la multiplication de situations « perdants gagnants » et même à des situations « perdants-perdants ».
Notre sentiment est que Carrefour qui dispose de moyens financiers très importants et d’un savoir-faire reconnu dans la distribution aurait tendance à profiter de sa force pour se prémunir contre tout dérapage dans son réseau de franchise, le contrôlant à travers la franchise participative.
Il semble que nous sommes maintenant rentrés, surtout après le COVID, dans une période difficile pour la grande distribution française. Les hypers sont trop grands et souvent peu rentables voire déficitaires et les magasins de proximité globalement trop nombreux ou mal répartis. La consommation n’est plus aussi flamboyante que durant les trente glorieuses. Signe du temps les médias et les influenceurs rivalisent de sagacité pour nous faire consommer moins en jouant sur une meilleure organisation de nos frigos et de nos repas La méthode 6 – 1 est la dernière en vogue[4]. Son l’objectif est double : réduction du gaspillage et meilleur équilibre alimentaire.
La franchise dans la distribution alimentaire française n’occupe plus la une de l’actualité car l’affaiblissement de certains ex géants comme Casino ou de la disparition de grands régionaux comme Cora met au premier plan les restructurations.
Enfin la franchise à haute dose est un appauvrissement à long terme (à court terme les redevances contribuent à améliorer les résultats et donc le cours de bourse) dans la mesure où le magasin n’appartient pas ou n’appartient plus au groupe franchiseur.
Enfin la franchise présente des situations très différentes selon les franchiseurs et leur philosophie de la franchise. Elle est loin de ressembler à la franchise idéale présentée dans les revues et les salons spécialisés.
[1] – Redevances directes ou royalties : calculées sur une base forfaitaire ou sur la base d’un pourcentage sur le CA HT mensuel
– Redevances indirectes ou de publicité nationale : calculées sur base d’un pourcentage du CA HT mensuel.
[2] 2400 magasins nouveaux par rapport à 2022.
[3] Selon une source Syndicale : la baisse des frais de personnel serait de 2 à 3 points après le changement de statut (ils passent de 12 % du CA chez Carrefour à 10 % chez un locataire-gérant).
[4] France Info, « c’est mon budget » du 14/9/24.
Superbe exposé, très complet et d’actualité ! Bravo !
Gérard