A l’opposé de plusieurs secteurs sinistrés, tels que l’hôtellerie-restauration, le transport aérien ou l’événementiel, un grand nombre de domaines d’activité ont connu un développement important depuis le début de la crise sanitaire. Ce phénomène s’explique, en grande partie, par l’accélération de trois tendances, déjà présentes avant la pandémie.
En premier, le développement du commerce électronique et le travail à distance ont favorisé une croissance exceptionnelle de l’économie numérique, tant en termes de secteurs que de spécialités
Le commerce électronique a, selon la Fevad, augmenté de 30% (hormis les activités liées au tourisme, en chute de 51%). Les activités connexes telles que les centres de données, les plateformes de marché et de vidéocommunication ou certaines sociétés spécialisées en numérique ont connu des croissances comparables ou supérieures.
Cette croissance a profité aux leaders installés dont l’incontournable Amazon et a favorisé la création ou la réussite spectaculaire de nouveaux acteurs.
A titre d’exemples de ce dernier phénomène, la jeune société Zoom a quasiment quadruplé son chiffre d’affaires en 2020 (source Statista) et la valorisation boursière de nouveaux spécialistes en cybersécurité s’est envolée, parallèlement au développement sans précédent des cyberattaques.
Deuxième tendance, inspirant déjà nos comportements de consommation depuis quelques années mais fortement accélérée par la pandémie : le souci d’améliorer son habitat et sa qualité de vie
Les français confinés ont pu consacrer beaucoup plus de temps à la décoration de leur logement, au bricolage ou au jardinage.
C’est ainsi que Leroy Merlin est devenu, en 2021, l’enseigne de grande distribution préférée des français (Palmarès e-marketing.fr / Ernst & Young).
Les 60% de français disposant d’un jardin ont également investi dans son amélioration, contribuant ainsi au développement des jardineries (+ 8,4% selon GFK), et des piscinistes (augmentation de 28% des ventes de piscines en 2020, selon francetransactions.com).
Comme dans l’ensemble du e-commerce, au-delà des grandes enseignes, des startups et de jeunes entreprises ont connu une croissance spectaculaire. Tel est le cas de ManoMano qui rejoint le club des licornes françaises en doublant son chiffre d’affaires en 2020 pour atteindre 1,3 Md €.
En matière de qualité de vie et de loisirs, le confinement et ses contraintes associées ont également favorisé l’explosion des jeux en ligne ou sur console.
Le troisième secteur qui a profité de la crise actuelle est celui de la santé au sens large
Déjà en croissance précédemment avec le vieillissement de la population et la quête grandissante de bien-être, de nombreux secteurs se sont développés, dans le sillage de la pandémie et dans des domaines périphériques.
Outre l’eldorado de la vente de vaccins exploité par quelques géants pharmaceutiques et les perspectives de relocalisation d’unités de production en France, une série de niches d’activités liées à la prévention sanitaire et à l’hygiène de vie ont profité de la Covid.
La commercialisation de produits liés aux gestes barrières (produits désinfectants, liquides hydroalcooliques, masques, panneaux isolants, etc.) est à l’origine d’opportunités de croissance, tant pour des grands groupes que pour des PME innovantes (voir LSA du 15/01/2021).
Différents services d’aide à la personne ont été créés ou se sont développés, notamment sous la forme de franchises offrant des soins ou des livraisons de repas aux personnes âgées (voir toute-la-franchise.com du 16/02/2021).
Le confinement a également favorisé le recours à des offres de remise en forme ou de recettes culinaires à distance (voir le Baromètre Sport Santé FFEPGV / Ipsos – 10ème édition, décembre 2020). Parmi les succès remarquables dans ce domaine, nous citerons le programme d’entrainement sportif T12S, dont la chaine YouTube a vu croitre son nombre d’abonnés de 300 000 à 600 000 l’an dernier.
D’autres secteurs ont plutôt bien résisté à la crise sanitaire ou sont prometteurs de croissance :
- Le luxe qui réussit à se maintenir, notamment grâce au marché chinois.
- La finance où les 200 milliards d’épargne accumulés récemment suscitent des convoitises et où de nouveaux opérateurs, les néo-banques, concurrencent activement les acteurs installés. A titre d’exemple Qanto, positionnée sur les microentreprises et les PME, a vu son nombre de clients passer de 70 000 à 150 000 en 2020.
- Les activités liées aux préoccupations environnementales, dans l’agroalimentaire, les transports (avec des ventes records de vélos ou des initiatives de logistique responsable), la rénovation de logements et, plus généralement, dans le cadre des nouvelles « raisons d’être » d’entreprises à mission.
Nous nous garderons de faire un bilan rigoureux des développements et des décroissances d’activités ou d’emplois engendrés par la pandémie.
Nous terminerons néanmoins cette courte synthèse par des considérations optimistes.
Les changements d’habitude de vie, de consommation et de travail accélérés par la crise sanitaire impacteront de façon durable nos comportements et seront sources de croissance.
Ces opportunités seront exploitées, non seulement par des grandes entreprises mais, de plus en plus, par de nouveaux acteurs, en notant que le nombre de créations d’entreprises en 2020 s’est élève à près de 850 000 (en progression de 35 000 relativement à l’année précédente) dont 630 000 entreprises individuelles.
Sauf nouvelle catastrophe mondiale, en misant sur la créativité de nouveaux entrepreneurs et l’agilité de transformation des entreprises établies, qu’il nous soit permis de partager les prévisions de croissance supérieure à 5 ou 6% au second semestre 2021, avancées par la plupart des économistes pour la France et de nombreux pays.
Jean-Paul Aimetti, diplômé de CentraleSupélec et docteur en mathématiques appliquées aux sciences humaines, a d’abord dirigé des sociétés de conseil et d’études (Centre Français de Recherche Opérationnelle, BVA et le groupe SOFRES en Europe).
Aujourd’hui, il est professeur émérite au CNAM, président de l’Académie des sciences commerciales et président de l’ISC Paris, grande école de commerce.