Les 15 et 16 novembre 2025 s’est tenue la cinquième édition de la Grande Exposition du « Fabriqué en France » au Palais de l’Elysée. Cet évènement, initié par le Président de la République en 2020, « met à l’honneur les entreprises, les artisans, les producteurs, les industriels et les associations engagés dans une démarche de fabrication française » (source : l’Elysée).
Les consommateurs français portent un intérêt certain pour les produits fabriqués en France, qui ont une réputation de qualité et dont l’impact environnemental est moins élevé que celui de certains biens importés. A cet égard, une enquête exclusive des Chambres de Commerce et d’Industrie réalisée par l’Institut OpinionWay du 4 au 6 octobre 2023 révèle que 89 % des Français souhaitent consommer davantage de produits fabriqués en France.
Les Français déclarent être prêts à payer plus cher un produit fabriqué en France pour des motifs patriotiques, toutefois le critère Prix reste le plus important pour 80% des consommateurs.
1. Qu’est-ce que le « Fabriqué en France » ? Les conditions pour revendiquer cette appellation
L’expression « Fabriqué en France » (Made in France en anglais) signifie qu’un bien ou un produit a été entièrement ou partiellement fabriqué sur le territoire français. En d’autres termes, cette mention ne signifie pas que 100 % des étapes de fabrication ont été réalisées en France, mais qu’a minima,une partie significative de la production a été effectuée en France.
Aucune disposition législative ou réglementaire (européenne ou nationale) n’impose l’apposition d’un marquage d’origine, sauf pour certains produits agricoles, alimentaires ou cosmétiques. Il s’agit simplement d’une démarche déclarative.
Cela étant, dès l’instant où un marquage d’origine est apposé sur un bien ou un produit, il doit respecter les règles d’origine non préférentielles (ONP), conformément à la déclaration de Marrakech du 15 avril 1994 fondant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). L’origine non préférentielle désigne la nationalité économique d’une marchandise selon les règles établies par le droit commun.
Au sein de l’Union européenne (UE), ces règles, prévues par le code des douanes de l’Union (CDU), sont une transcription pratique de la règle universelle de l’OMC reposant sur le pays de dernière transformation substantielle.
Le concept de « transformation substantielle » correspond à une fabrication ayant abouti à un produit nouveau ou à un stade avancé de fabrication. Il est défini par le code des douanes de l’UE (article 60) et fait l’objet d’une transposition nationale.
Le produit prend alors l’origine du pays où il a subi sa dernière transformation substantielle.
Les principales règles d’origine permettant d’identifier si une transformation substantielle a été réalisée sont les suivantes :
– un changement de nomenclature douanière (le code douanier du produit fini doit être différent de celui des matières premières et composants) ;
– un pourcentage minimal de valeur ajoutée réalisée en France ;
– un pourcentage maximal en poids ou en valeur de matières premières non originaires de France ;
– la réalisation d’une transformation/ouvraison spécifique (cas des produits textiles notamment, avec des règles, par exemple, de confection complète ou de tissage, etc.).
La douane délivre une information sur le « Fabriqué en France » qui permet à une entreprise de savoir si elle peut apposer un marquage d’origine sur son produit.
2. L’intérêt des consommateurs et des entreprises pour les produits fabriqués en France
Les décennies de la mondialisation, entre 1965 et 2019, ont vu le made in France passer de 89% à 73%, tous secteurs confondus, selon les chiffres de l’INSEE. II existe une disparité des chiffres selon les secteurs que sont la construction, l’énergie, les services marchands, l’industrie manufacturière…. Pour cette dernière, la part made in France est passée de 81% en 1965 à 36 % en 2019. Alors qu’en 2019 la part des biens agricoles « made in France » est de 58 %. Notons au passage que la part du « fabriqué en » a baissé de façon assez similaire dans les pays européens comparables.
Mais les consommateurs manifestent cependant un intérêt pour le « fabriqué en France ». La fermeture d’ateliers ou d’usines que tous constatent provoquent un malaise. Parallèlement des actions de communications de producteurs ou de fédérations professionnelles, des enquêtes et études publiées ont un impact sur les consommateurs, impact renforcé lors de la crise du Covid 19 par la pénurie de plusieurs produits importés dont les masques et certains produits pharmaceutiques. En effet l’intégration des chaines de valeurs mondiales peuvent avoir un effet bénéfique sur la productivité mais rendent les pays vulnérables aux chocs géopolitiques, climatiques ou d’approvisionnement. La crainte de pénurie, les stocks de précaution, les files d’attente pour entrer dans les supermarchés ont aidé à prendre conscience de cette vulnérabilité.
D’après un sondage IFOP de 2018, 59 % des Français déclarent prêter attention au pays de fabrication au moment de leurs achats.
Le même sondage IFOP indique que 56 % des Français estiment qu’il est difficile de trouver des produits issus de PME engagées dans la production « Made in France » (janvier 2020). Offrir une information claire sur l’origine permet donc aux entreprises de répondre à la demande légitime de consommateurs de plus en plus soucieux d’une consommation responsable.
Depuis la crise du COVID, 64 % des français estiment avoir augmenté la part de leurs achats de produits « fabriqué en France », cette proportion étant de 74 % pour les cadres et 50% pour la population à faibles revenus.
Selon une étude Opinionway réalisé en 2023 pour la Chambre de Commerce et d’Industrie, les motivations avancées pour l’achat de produits « fabriqué en France » est à 63% pour soutenir les producteurs locaux, 56% pour soutenir l’économie française et 47% parce qu’ils sont de meilleure qualité.
Les produits achetés « fabriqué en France » représentent 70% des achats alimentaires, 33% de l’hygiène et cosmétique et 32 % des vêtements.
Toutefois, selon l’Institut Français de la mode, dans un article publié récemment par Le Monde, la part des vêtements fabriqués en France représentent seulement 4% des ventes annuelles du secteur.
Ce qui n’est pas si étonnant lorsque ce même sondage Opinionway de 2023 cite que le prix est le critère le plus important lors de l’achat (80%), devant la qualité (73%), la durée de vie (41 %) et le pays de fabrication (23%), avant la marque (21%).
3. Le « Fabriqué en France » constitue un important levier pour la souveraineté économique et industrielle de la France.
L’INSEE a publié en janvier 2025, une étude très argumentée intitulée « Made in France et réindustrialisation – une approche par les tableaux entrées sorties internationaux, et signée par Alexandre Bourgeois et Jérémie Montornès démontrant que l’implantation d’activités en France plutôt qu’à l’étranger génère des effets économiques et environnementaux significatifs.
Impact de la localisation d’activité en France
La substitution d’importations par une production nationale peut augmenter la valeur ajoutée en Fiance de 2,0 Md€ pour chaque 1Md€ de valeur ajoutée d’un nouvel établissement.
Les effets d’entrainement sur les chaînes de valeur peuvent générer 1,0 Md€ supplémentaire dans l’économie.
Les secteurs les plus impactés incluent l’industrie agro-alimentaire et l’automobile avec des multiplicateurs de valeur ajoutée de 2,6.
Effets sur l’emploi et la production
La localisation d’activités en France entraine une création d’emplois et une augmentation de la production, l’implantation d’un établissement générant 1Md€ de valeur ajoutée pourrait créer environ 24000 emplois en France. Les secteurs comme l’agro-alimentaire et l’automobile montrent des multiplicateurs d’empois élevés, atteignant jusqu’à 3,8. La production totale dans l’économie pourrait augmenter de 8,5Md€ dans l’industrie automobile.
Réduction des émissions de C02
La production en France plutôt qu’à l’étranger contribue à une baisse des émissions mondiales de CO2, dans la mesure où la production d’énergie en France est moins carbonée que dans bien d’autres pays. Pour chaque 1Md€€ de valeur ajoutée d’un nouvel établissement, les émissions mondiales de GES diminuent de 0,7MtCO2.
Les émissions en France augmentent de 0,5 MtC02 mais baissent de 1,2MtCO2 dans le reste du monde.
Si l’activité manufacturière augmentait de 1 point de PIB en France, les émissions mondiales pourraient diminuer de 15MtC02.
Autres considérations
Les Français sont aussi sensibles au fait que la France conserve ses savoir-faire, et garde une souveraineté en matière de production, en particulier alimentaire ce qui paraît si naturel dans un pays de production agricole.
4. Du faux « fabriqué en France », les contrôles de la DGCCRF
Une enquête publiée en octobre 2025 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes a été publiée sur le site gouv.fr/action-de-la-DGCCRF est citée ci-dessous
Tous les produits arborant un drapeau tricolore ne sont pas forcément fabriqués en France ! En 2023, la DGCCRF a mené une enquête auprès de 1500 établissements : 16% étaient en anomalie, dont plus de la moitié ont fait l’objet de suites correctives et répressives.
En 2023, la DGCCRF a mené une grande enquête sur les produits non alimentaires affichant des allégations d’origine comme « Made in France », « fabriqué à Paris », “Fabrication française”, etc. L’objectif ? Vérifier la véracité des mentions affichées sur les emballages, les sites internet ou les réseaux sociaux. Sur près de 1 500 établissements contrôlés sur la loyauté des allégations d’origine, 16% étaient en anomalie, dont plus de la moitié ont fait l’objet de suites correctives et répressives. Une amélioration par rapport à l’année précédente, mais encore trop de dérives, surtout sur les produits du quotidien comme les jouets, les cosmétiques, les bougies, les vêtements ou encore les accessoires.
Les contrôles ont eu lieu au stade de la fabrication et de la distribution, y compris auprès de sites de vente en ligne, sur des produits de sports, des granulés de bois, des produits électriques, des produits de jardinage ou encore des prothèses dentaires ou des cercueils etc.
Les exposants lors de grands événements tels que les foires, les salons (dont le salons Made in France à Paris et en région), les festivals, les marchés de Noël ont également été contrôlés.
Voici quelques pratiques trompeuses fréquentes repérées par les enquêteurs :
- Un simple conditionnement en France (mettre un produit étranger dans une boîte française) ne suffit pas à le qualifier de » fabriqué en France » : par exemple, en Normandie, une entreprise de film alimentaire étirable commercialisait son produit avec l’allégation “Fabriqué en France”. Ce film était en réalité fabriqué dans un autre pays de l’UE sous forme de gros rouleau et l’activité de la société consistait en réalité en un redécoupage puis un reconditionnement en rouleaux de plus petite taille permettant la revente en détail.
- Des logos tricolores ou des drapeaux sur des produits importés pour faire illusion : il peut s’agir de l’utilisation du drapeau Français, d’un liseré tricolore, des couleurs tricolores, de la carte de France ou encore d’un coq gaulois. Par exemple, en Isère, la DGCCRF a contrôlé une enseigne de jardinerie qui commercialise des billes d’argile sous sa marque. L’emballage mentionnait “Fabriqué en France” avec un drapeau tricolore alors que la matière première (argile brute) et le produit fini étaient originaires d’Allemagne. La seule opération réalisée en France était le conditionnement en vue de la vente aux particuliers. Ce qui ne suffit pas à conférer au produit une origine française.
- Des mentions ambiguës comme « conçu en France », « marque française » ou « entreprise française », alors que le produit lui-même est étranger : les allégations relatives à l’origine des produits relevées dans le cadre de cette enquête sont diverses et témoignent de l’inventivité des professionnels pour la valorisation de l’origine de leurs produits. Ces allégations sont parfois “combinées” entre elles (exemple : “Fabriqué en France dans l’Aude”) ou avec d’autres mentions valorisantes (exemple : “Production artisanale en France “ ou “100 % fait main à La Réunion).
- L’allégation « 100 % Made in France » est souvent utilisée à tort : en matière d’optique par exemple, une société indiquait sur son site internet que toutes les montures et verres étaient “100 % français”. Or, seuls les verres l’étaient. À la suite du contrôle, la mention litigieuse a été retirée. Il en est allé de même concernant des charentaises “100 % Made in France” fabriquées par une société avec des matières étrangères pour certains modèles.
Le « fabriqué en France » est essentiel à la souveraineté économique, surtout dans l’alimentaire où la France excelle grâce à son agriculture. Cependant, dans le non alimentaire, la situation varie fortement entre des secteurs comme la cosmétique, satisfaisant, et l’habillement, plus précaire. Pour renforcer l’achat de produits français, il faut multiplier les actions de communication et marketing auprès des consommateurs et améliorer la visibilité des plateformes spécialisées en ligne. Il serait aussi pertinent d’encourager l’achat de produits agricoles de saison, majoritairement locaux.
