Le nutriblanchiment : une illusion santé bien rodée

J’aimerais attirer votre attention sur un phénomène préoccupant de notre environnement commercial contemporain : le « nutriblanchiment », traduction libre du terme anglais healthwashing.

Ce terme désigne une stratégie marketing qui consiste à présenter des produits objectivement malsains dans un enrobage trompeur évoquant le bien-être, la santé ou un mode de vie actif. Le nutriblanchiment exploite l’imaginaire collectif autour du fitness, de l’alimentation dite « naturelle » ou encore du bio, pour camoufler des réalités nutritionnelles souvent bien différentes.


La ruse commence à l’épicerie

Un exemple courant : les chips de légumes. Sous leur apparence santé et leur emballage vert, souvent orné de slogans évoquant la légèreté ou le naturel, ces croustilles présentent un profil nutritionnel comparable à celui des chips classiques : teneur élevée en gras, en sodium et en agents de conservation. « Verdict : santé » ? Plutôt une illusion bien ficelée.

Et que dire des fraudes alimentaires ? Les étiquettes pullulent de promesses — « sans sucre ajouté », « biologique », « multigrains » — qui masquent trop souvent une réalité moins reluisante. Il est essentiel de rester vigilant et de lire attentivement la liste des ingrédients : ce qui est vanté à l’avant de la boîte doit impérativement se retrouver à l’arrière, dans les faits.


Des exemples édifiants

Le Center for Science in the Public Interest aux États-Unis a recensé de nombreux cas de produits aux allégations fallacieuses. Un mélange à gâteau aux carottes, par exemple, met en vedette des morceaux de carottes sur son emballage, alors que le seul légume présent — est à la 19e position dans la liste des ingrédients — et c’est une simple poudre de carotte.

Une autre anecdote révélatrice : une organisation qualifiée d’« alimentary police » a affirmé, non sans humour, avoir dû utiliser des pincettes pour repérer les minuscules morceaux de brocolis dans les Pasta Roni d’un grand fabricant.

Les portions recommandées sur les emballages constituent une autre ruse subtile : elles sont souvent irréalistes et inférieures à la quantité réellement consommée, ce qui fausse la perception des calories et des apports.


Décryptage des allégations les plus courantes

Voici quelques mentions populaires à l’allure saine, mais à la signification souvent déceptives.

  • Léger : désigne un produit modifié pour réduire les calories ou les matières grasses. Il est fréquent que ces produits soient dilués ou contiennent davantage de sucre pour compenser.
  • Multigrains : indique simplement l’usage de plusieurs types de céréales. S’il n’est pas précisé qu’elles sont entières, elles sont vraisemblablement raffinées.
  • Naturel : ce mot flou signifie seulement qu’un ingrédient d’origine naturelle (comme une pomme ou du riz) a été utilisé à un moment du processus. Cela ne garantit ni la qualité ni l’intégrité du produit fini.
  • Biologique : si cette certification a sa valeur, elle ne garantit aucune vertu nutritionnelle. Le sucre bio demeure du sucre.
  • Sans sucre ajouté : ne signifie pas absence de sucre. Un jus de fruit, par exemple, peut contenir une charge glycémique considérable. Certains produits remplacent le sucre par des édulcorants aux effets controversés.
  • Faible en matières grasses : une réduction de gras s’accompagne souvent d’un ajout de sucre ou d’amidons modifiés pour compenser la texture et le goût.
  • Faible en glucides : malgré l’engouement récent pour les régimes faibles en glucides, de nombreux produits transformés étiquetés ainsi demeurent hautement transformés, donc peu favorables à une saine alimentation.

Une vigilance de tous les instants

Le nutriblanchiment est un phénomène mondial, présent au Canada comme en Europe, sans parler des États-Unis. Les consommateurs sont placés dans une position délicate, où l’apparence des produits est savamment conçue pour tromper leur vigilance.

Il est temps de réhabiliter la pensée critique et de réarmer notre regard face à ces manipulations. Pourquoi ne pas imaginer que les générations X, Y et Z, plus technophiles, utilisent leur téléphone pour analyser les étiquettes? Une photo de l’emballage, un scan numérique, et l’intelligence artificielle pourrait faire le reste.

Quant aux consommateurs plus traditionnels, qu’ils s’arment d’une loupe pour examiner l’endos de l’emballage… car l’enjeu est de taille : notre santé individuelle et collective.


En conclusion

Le nutriblanchiment est plus qu’une simple stratégie publicitaire : c’est une désinformation alimentaire systémique qui exige de chacun de nous un sursaut de lucidité. L’heure est venue d’adopter une posture de détection rigoureuse — à la manière d’un Sherlock Holmes du supermarché — et de remettre en question le contenu derrière les slogans. Ce combat pour la vérité alimentaire est l’un des défis contemporains les plus essentiels en matière de santé publique.

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