Numérique : où placer le curseur pour être efficace ?

Cela fait maintenant plus de 30 ans que le numérique est dans nos vies quotidiennes. Arrivé en France par le minitel, le numérique s’est dans le même temps étendu à la bureautique avec l’extension des capacités informatiques dans l’entreprise. Le commerce n’échappe pas à ces changements. Caisses électroniques, gestion avec le code barre des commandes aux fournisseurs et en rayon, le commerce a vu tant ses métiers évoluer, des tâches disparaitre et des nouveaux processus de fonctionnement arriver. Aujourd’hui la transformation numérique occasionne de nouvelles évolutions bien plus puissantes car non plus délimités comme auparavant au seul fonctionnement d’activités séparés, à des améliorations ponctuelles mais étendue à l’ensemble du commerce, en incluant même des sujets extérieurs à la vente pure comme la relation avec clients et consommateurs. 

L’efficacité d’une transformation numérique devient un vecteur essentiel de l’adaptation du commerce au changement. Où placer le curseur de la transformation numérique pour être efficace ?

Après avoir dressé différents constats et mesuré le contexte dans lequel la transformation numérique est arrivée dans le commerce, nous verrons où placer le curseur d’une transformation numérique pour être efficace. 

Investir encore et toujours plus dans le numérique ?

1er constat : Un directeur financier grincheux vous le dirait, les projets et applications numériques sont toujours vus comme des investissements potentiellement à risque, des dépenses dans une journée sans fin. Pour d’autres, une transformation numérique est loin d’être toujours liée à des avancées majeures et visibles. Enfin, nombre de transformations numériques (appelés aussi transformations digitales pour les plus anglo-saxons) sont dites ratées via des erreurs de tout type, de mauvais investissements ou de sous et surinvestissements.

2ème constat : une différence de taille. Selon la dimension de l’entreprise, si des groupes industriels et enseignes peuvent se permettre des erreurs et expériences, la conséquence n’est pas la même pour d’autres commerces plus petits. Créer une « Digital Factory » au sein d’un groupe, acheter à grand frais et grand bruit un terrain virtuel pour l’enseigne sur le metavers, réaliser des applications d’IA pour les vendeurs ou clients en magasin, toutes ces expériences et tentatives en situation réelle ne sont pas à la portée de tous.

3ème constat : Le numérique à la rançon de son succès. Devenu incontournable et autant nécessaire, la transformation numérique est employée sur tout domaine et sujet, sans pour autant qu’une seule recette unique de mise en place, de succès et de rentabilité soit mise en avant.

Fort de ces 3 constats, il est peut-être utile de rappeler qu’une transformation digitale se construit principalement d’abord autour de 4 sujets : a) un « business model » de l’entreprise adapté, b) une connaissance et une relation client efficaces, c) une organisation optimale d) des outils pertinents, le tout avec une intégration réelle de l’humain sur chaque domaine. Souvent démarrer par les outils est bien agréable, facile et rassurant mais c’est la garantie assurée à moyen terme d’un échec autant financier que dans la transformation numérique visée.

Un Client moins dépendant du Commerçant

Initialement, le Commerce s’effectuait uniquement entre deux acteurs, le Vendeur et l’Acheteur. C’était le commerçant qui donnait les informations sur le produit dont le prix puis peu à peu les utilisateurs existants pouvaient en parler à d’autres clients intéressés mais dans un cercle géographique restreint et sur demande directe à la personne. Le progrès, le développement des supports et moyens techniques de communication et du marketing ont peu à peu changé la relation. Celle-ci, alors établie sur la logique d’une connaissance plus forte du produit chez le commerçant que chez le client, s’est peu à peu équilibrée et élargie. D’abord sur le produit lui-même avec les bienfaits, avantages ou qualité, fiabilité, le client a intégré une compétence à l’analyse d’un produit proposé. Puis sur son besoin en tant que client, comme les conditions et facilités d’utilisation, consommation, fréquence.

De leur côté, fabricant et marque avaient réalisé que pour développer les ventes, il ne suffisait plus de s’adresser uniquement aux commerçants. La communication aux clients, consommateurs finaux est arrivée bien avant le numérique, par exemple avec la vente sélective, la diffusion de catalogue.

La généralisation de l’internet marque un point de bascule réel dans cette relation car on peut alors s’adresser à tous via un seul support personnalisé : utilisateurs et non utilisateurs, clients ou non clients, consommateurs directs ou prescripteurs et ce, dans un monde sans frontière de temps, ni de langue ou géographique, en masse, par groupe d’appartenance ou individuellement. Dorénavant, le commerçant n’est plus le point de passage obligé pour communiquer durablement avec le client. Bien évidement tout ceci n’est pas la seule raison, il y a de nombreux autres facteurs sans rapport direct et indirect au commerce. Car, si le commerce avait progressivement accepté des opérations commerciales par les marques dans ses magasins, c’est au prix d’accord financier et de contrôle de la surface occupée (tête de gondole ou animations). Le commerçant n’a pas tout de suite mesuré les vrais risques et inconvénients de ne pas plus être le seul à avoir une relation avec l’Acheteur. Commerçants, Grossistes et Distributeurs n’ont vu que la crainte permanente d’être contourné, doublé par les marques et fabricants qui pourraient vendre directement. On peut se souvenir des opérations catalogues de fin d’année puis sur le minitel dans les années 90, pour des boîtes de chocolat d’une multinationale Suisse où de marques ouvrant leurs propres réseaux de boutiques pour commercialiser des produits introuvables ailleurs, comme par exemple la célèbre chaussure de sport Jordan uniquement disponible dans les magasins Nike. Cette incompréhension puis incrédulité du commerçant a donné un temps d’avance aux marques, temps toujours difficile à rattraper aujourd’hui.

Les marques et fabricants, eux, ont bien vite compris l’avantage du numérique car c’est bien chez eux que l’on a vu d’abord des applications minitel puis des sites internet, applications mobiles et présence sur les réseaux sociaux avec différents intervenants.

Ce qui importe maintenant, c’est que le commerce physique ne se transforme pas progressivement comme un simple point de passage obligé pour une commande sur borne ou un local de retrait de commande dans des casiers anonymes automatisés.

C’est le risque qui fait jour depuis quelques années. Pour simplifier on pourrait dire que le Commerce doit rester du domaine du commerçant. Le numérique est justement une opportunité pour permettre au Commerce de mettre en avant les avantages à traiter avec le commerçant, que ce soit de l’achat fréquent, de l’achat unique ou l’achat cyclique, de la prestation matérielle ou de la prestation à la personne.

Avec ces premiers éléments, il est plus facile d’écarter certains choix et orientations pour bien définir la place du curseur dans une transformation numérique.

Créer un environnement numérique adapté à l’ADN du Commerce exercé

Adapté signifie pour le Commerce surtout pensé pour ses Clients.

Le potentiel défaut de toute action de numérisation, c’est son aspect répétitif et de standardisation car quel que soit l’activité exercée, tout devient similaire de commerce en commerce avec des solutions demandant au client — et même au commerçant — de comprendre le fonctionnement voire de s’adapter aux logiciels. Le pire du numérique étant une course effrénée à la nouveauté d’application, menée directement par les acteurs de solutions logiciels et informatiques.

Jusqu’à présent on peut globalement affirmer que les innovations ont toujours été plus ou moins facilement comprises et acceptés. Les investissements nécessaires à ces changements étaient réalisés car le retour sur investissement annoncé était rapide, visible et concret.

Le numérique, lui, demande toujours plus de souplesse, un investissement répété mais aussi de faire évoluer son métier, sa gestion du temps, son organisation, son fonctionnement avec, sinon, des risques majeurs pour le Commerçant de perdre son identité.

Vous me direz que, justement, c’est un des fondements requis pour être durablement commerçant ; sentir et anticiper les opportunités, être souple et agile, s’adapter.

En définitive, comme pour chaque décision à prendre par le commerçant dans son exploitation, pour chaque projet de transformation numérique proposée, les mêmes questions posées restent :

  • Quels sont mes objectifs ? Lister ici précisément les rendus attendus en efficacité, facilité, productivité, évolutivité, rentabilité et satisfactions clients
  • Combien de ventes, de prestations supplémentaires, de chiffres d’affaires additionnels, par jour, semaine ou mois dois-je faire pour payer cette application ?
  • Bien contourner les effets d’enthousiasme « Waouh !» ou déceptif « Bof ! »
  • Adapter l’organisation et de la formation des hommes pouvant s’occuper sérieusement au jour le jour des nouvelles tâches induites par la transformation numérique 

Harmoniser le curseur et définir son « V.R.A.R. »

Harmoniser le curseur pour une transformation numérique signifie ne non pas pousser le curseur sur l’ensemble des domaines et sujets de l’entreprise simultanément à la même force mais, selon les sujets, faire un travail par thème en n’oubliant pas l’humain, la formation des collaborateurs. Il est à noter que ces derniers points comme la gestion de l’évolution des fonctions sont trop souvent les enfants oubliés d’une transformation numérique.

Sous un angle strictement commerce, les différents thèmes sont principalement :

  • L’offre dont fournisseurs, marques, produits, tarifs
  • Le Service au client dispensé dont la connaissance produits, disponibilité, positionnement prix et le paiement
  • La connaissance client
  • Le suivi de la concurrence physique, virtuelle, directe et indirecte
  • Formation des collaborateurs et organisation mise en place,

Parallèlement, pour déterminer correctement où pousser le curseur du numérique, il faut définir ou, mieux, redéfinir, son cycle de commerce le « V.R.A.R. » :

  • Faire Venir : comment faire venir le client, c’est-à-dire visibilité, disponibilité, attractivité
  • Faire Rester : comment faire rester le client en magasin ou sur le site, c’est-à-dire l’accueil, l’écoute et analyse du besoin, conseils et professionnalisme
  • Faire Acheter : la finalité du commerce, c’est à dire la prestation elle-même (déroulé et paiement), tout ce qui est autour et au-delà de la prestation de vente
  • Faire Revenir : ce qui fera revenir le client, le service rendu, l’assistance, la notation, évènements exclusifs ou opportunités clients

Conclusion

En résumé placer le curseur du numérique pour être efficace, c’est :

  1. Toujours penser sa stratégie en tant que commerçant :
    1. Qui vise-t-on pour quand, via quel outil, pour quel budget
    2. Utiliser le Numérique pour suivre la concurrence
  2. Une organisation stable et conçue pour s’en occuper,
  3. Toujours partir du physique pour y revenir,
  4. Avoir de la rigueur malgré le côté faussement décontracté du numérique,
  5. Définir 5 à 7 indicateurs pertinents de suivi et s’y tenir,
  6. Être soi dans les communications, ne pas être un duplicata des marques,
  7. Avoir le réflexe combien ça coute, combien ça rapporte,
  8. Garder la maîtrise : être agile, réactif, dynamique et malin.

Faire du numérique ne doit avoir qu’un seul but : faire du commerce et que du commerce.

C’est là que le curseur du numérique doit se positionner.

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