« Regards sur l’avenir des études marketing qualitatives, face aux révolutions technologiques en cours ».
Trois développements technologiques majeurs ont marqué l’évolution des études qualitatives : les réseaux sociaux, le numérique et l’intelligence artificielle.
Les réseaux sociaux
Aujourd’hui, la limite de 280 caractères pour les messages Twitter / X est atteinte ! Les consommateurs ont de plus en plus recours à des automatismes de langage. C’est l’ère de l’opinion. Comme le disait Paul Valéry : « Le mensonge et la crédulité s’accouplent et engendrent l’opinion ». Pierre Bourdieu l’avait exprimé autrement, en dénonçant la « quantophrénie » (pathologie qui consiste à vouloir traduire systématiquement les phénomènes sociaux et humains en langage mathématique) des temps modernes : « On peut demander n’importe quoi à n’importe qui, et n’importe qui a presque toujours assez de bonne volonté pour répondre au moins n’importe quoi à n’importe quelle question. »
Alors, comment faire pour rompre le mur de l’opinion et connaitre les « pensées inconscientes » des consommateurs ? Pour y parvenir, nous nous sommes appuyés sur nos expériences en psychologie clinique et en créativité. Il a fallu avoir recours à des méthodes projectives et créatives qui libèrent la spontanéité, la créativité et l’imagination de chacun.
Le numérique
La crise du Covid a engendré la mise à distance des relations avec nos clients et les consommateurs, entrainant desconséquences fâcheuses sur le moral des troupes !
30% de télétravail en France ! Les interviews des consommateurs se font de plus en plus via internet et des plateformes numériques.
Les entreprises y trouvent leur compte : énormes économies dans la réalisation des études et la gestion des personnels. Mais émerge une lassitude de certains dirigeants à se couper ainsi du vécu de leurs acheteurs ainsi que de l’expression de leurs insatisfactions et de leurs désirs.
Concernant le vécu, on constate une dilution des relations humaines, des échanges interpersonnels entre services et une moindre implication dans les tâches à accomplir. Il en résulte une moindre prise sur les préoccupations et les attentes des consommateurs. C’est pourquoi les directionsmarketing demandent de plus en plus à leurs équipes de « retourner sur le terrain », de « sentir » l’état et le climat de leurs cibles.
Et l’intelligence artificielle (IA) ?
L’IA constitue un progrès phénoménal pour tous les secteurs de la société et toutes les entreprises. L’évolution est irréversible et, pour ne citer qu’une donnée chiffrée, l’Europe a décidé de consacrer 5 milliards d’euros de budget annuel sur 5 ans à la maitrise de l’IA.
Un risque déjà sensible apparait : créer un déficit ontologique dans nos sociétés, des angoisses existentielles pour le plus grand nombre et une classe de sachants, ayant la maitrise des algorithmes et dirigeant nos entreprises.
Mais sur ce dernier point, nous avons de quoi nous rassurer ! Cette dystopie renvoie aux fonds des temps. Aristote s’inquiétait déjà des conséquences de l’existence des navettes automatiques.
Un nouveau monde est en train de naître. L’avenir est entre nos mains !
Une interrogation majeure se fait jour dans notre profession : les capacités d’analyse de l’IA vont-elles mettre fin au métier de chargé d’études qualitatives ?
Pour éclairer nos réflexions, nous avons demandé à ChatGPT d’écrire un court poème sur notre métier, le résultat est bref mais plutôt bien vu :
« Les mots deviennent des bijoux
Les émotions se révèlent à nu
Les idées se confrontent sans tabou
Et la solution surgit de l’inconnu. »
Nous avons également testé son interprétation d’une image promouvant le parfum Dahlia noir de Givenchy, avec la mention « Thistles in the wind on an empty desert » (Chardons dans le vent sur un désert).
La réponse de ChatGPT n’es pas dénuée de sens : « Les chardons en mouvement suggèrent une certaine fragilité, vulnérabilité, ou peut-être même une beauté intrinsèque dans des conditions difficiles ».
Est-ce à dire que ChatGPT peut remplacer un chargé d’études qualitatives ? Non, pour plusieurs raisons :
- Tout d’abord parce que les analyses de l’IA sont encore partielles et que leur expertise est entièrement précalculée.
- Ensuite, parce que la fonction d’analyste en études qualitatives n’est pas uniquement
d’analyser un discours. C’est d’analyser la pertinence de ce discours croisé avec les données (tendances de consommation, historique de ventes, positionnement concurrentiel, …) et les objectifs stratégiques de l’entreprise. Nous n’analysons pas le consommateur, mais la problématique de l’entreprise pour aider à la prise de décisions.
Cependant, nous émettons une alerte :
Par la fréquentation des jeunes marketeurs des meilleures multinationales, nous constatons certes un accroissement de leurs compétences intellectuelles, mais concomitant à une diminution d’un bagage culturel. Et pourtant, de plus en plus submergés par l’information pure et simple, par l’immédiateté et par l’utilitaire, nous aurons de plus en plus besoin de culture pour mettre en perspective les informations de différentes sources afin de décider en en création, en innovation, en stratégies commerciales et en marketing.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à une exigence accrue de culture dans l’entreprise. Les entreprises en ont parfaitement conscience. Le qualitatif réclame de tels profils. Il y va de l’avenir de notre profession et l’IA ne remplacera de tels profils avant longtemps.